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nir juge de paix à Paris, je dois vous avoir satisfait. J’ai reçu, dans ma vie, une première leçon, elle a été trop dure pour que je m’expose à recevoir encore de pareilles étrivières. Enfin, un dernier mot, madame. Toutes mes démarches, quand il s’agira de vous, vous seront préalablement soumises…

— Très bien ; voici la lettre pour monsieur Lebœuf. J’attends maintenant les renseignements sur la valeur de la succession.

— Tout est là, dit finement Fraisier en saluant la présidente avec toute la grâce que sa physionomie lui permettait d’avoir.

— Quelle providence ! se dit madame Camusot de Marville. Ah ! je serai donc riche ! Camusot sera député, car en lâchant ce Fraisier dans l’arrondissement de Bolbec, il nous obtiendra la majorité. Quel instrument !

— Quelle providence ! se disait Fraisier en descendant l’escalier, et quelle commère que madame Camusot ! Il me faudrait une femme dans ces conditions-là ! Maintenant à l’œuvre.

Et il partit pour Mantes où il fallait obtenir les bonnes grâces d’un homme qu’il connaissait fort peu ; mais il comptait sur madame Vatinelle à qui, malheureusement, il devait toutes ses infortunes, et les chagrins d’amour sont souvent comme la lettre de change protestée d’un bon débiteur, elle porte intérêt.

Trois jours après, pendant que Schmucke dormait, car madame Cibot et le vieux musicien s’étaient déjà partagé le fardeau de garder et de veiller le malade, elle avait eu ce qu’elle appelait une prise de bec avec le pauvre Pons. Il n’est pas inutile de faire remarquer une triste particularité de l’hépatite. Les malades dont le foie est plus ou moins attaqué sont disposés à l’impatience, à la colère, et ces colères les soulagent momentanément ; de même que dans l’accès de fièvre, on sent se déployer en soi des forces excessives. L’accès passé, l’affaissement, le collapsus, disent les médecins, arrive, et les pertes qu’a faites l’organisme s’apprécient alors dans toute leur gravité. Ainsi, dans les maladies de foie, et surtout dans celles dont la cause vient de grands chagrins éprouvés, le patient arrive après ses emportements à des affaiblissements d’autant plus dangereux qu’il est soumis à une diète sévère. C’est une sorte de fièvre qui agite le mécanisme humoristique de l’homme, car cette fièvre n’est ni dans le sang, ni dans le cerveau. Cette agacerie de tout l’être produit une mélancolie où le malade se prend lui-même en haine. Dans une situation pareille, tout cause une irritation dan-