Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prenant la main de la Cibot et la mettant sur son cœur, avec une expression d’attendrissement.

Cet ange leva les yeux au ciel, les montra pleins de larmes.

— Finissez donc, papa Schmucke, vous êtes drôle. V’là-t-il pas quelque chose de fort ! Je suis n’une vieille fille du peuple, j’ai le cœur sur la main. J’ai de ça, voyez-vous, dit-elle en se frappant le sein, autant que vous deux, qui êtes des âmes d’or…

Baba Schmucke ! reprit le musicien. Non t’aller au fond di chagrin, t’y bleurer tes larmes de sang, et te monder tans le ciel, ça me prise ! che ne sirfifrai pas à Bons…

— Parbleu, je le crois bien, vous vous tuez… Écoutez, mon bichon…

Pichon !

— Eh bien ! mon fiston.

Viston ?

— Mon chou, n’a ! si vous aimez mieux.

Ça n’esde bas plis clair

— Eh bien ! laissez-moi vous soigner et vous diriger, ou si vous continuez ainsi, voyez-vous, j’aurai deux malades sur les bras… Selon ma petite entendement, il faut nous partager la besogne ici. Vous ne pouvez plus aller donner des leçons dans Paris, que ça vous fatigue et que vous n’êtes plus propre à rien ici, où il va falloir passer les nuits, puisque monsieur Pons devient de plus en plus malade. Je vais courir aujourd’hui chez toutes vos pratiques et leur dire que vous êtes malade, pas vrai… Pour lors, vous passerez les nuits auprès de notre mouton, et vous dormirez le matin depuis cinq heures jusqu’à supposé deux heures après midi. Moi, je ferai le service qu’est le plus fatigant, celui de la journée, puisqu’il faut vous donner à déjeuner, à dîner, soigner le malade, le lever, le changer, le médiquer… Car, au métier que je fais, je ne tiendrais pas dix jours. Et voilà déjà trente jours que nous sommes sur les dents. Et que deviendrez-vous, si je tombais malade ?… Et vous aussi, c’est à faire frémir, voyez comme vous êtes, pour avoir veillé monsieur cette nuit…

Elle amena Schmucke devant la glace, et Schmucke se trouva fort changé.

— Donc, si vous êtes de mon avis, je vas vous servir darre darre votre déjeuner. Puis vous garderez encore notre amour jusqu’à deux heures. Mais vous allez me donner la liste de vos pratiques,