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comme sa mère, au célibat perpétuel de sa cousine ; et depuis huit jours, ce fantôme était devenu le comte Wenceslas Steinbock, le rêve avait un acte de naissance, la vapeur se solidifiait en un jeune homme de trente ans. Le cachet qu’elle tenait à la main, espèce d’Annonciation où le génie éclatait comme une lumière, eut la puissance d’un talisman. Hortense se sentait si heureuse, qu’elle se prit à douter que ce conte fût de l’histoire ; son sang fermentait, elle riait comme une folle pour donner le change à sa cousine.

— Mais il me semble que la porte du salon est ouverte, dit la cousine Bette, allons donc voir si monsieur Crevel est parti…

— Maman est bien triste depuis deux jours, le mariage dont il était question est sans doute rompu…

— Bah ! ça peut se raccommoder, il s’agit (je puis te dire cela) d’un conseiller à la Cour royale. Aimerais-tu être madame la présidente ? Va, si cela dépend de monsieur Crevel, il me dira bien quelque chose, et je saurai demain s’il y a de l’espoir !…

— Cousine, laisse-moi le cachet, demanda Hortense, je ne le montrerai pas… La fête de maman est dans un mois, je te le remettrai, le matin…

— Non, rends-le-moi… il y faut un écrin.

— Mais je le ferai voir à papa, pour qu’il puisse parler au ministre en connaissance de cause, car les autorités ne doivent pas se compromettre, dit-elle.

— Eh ! bien, ne le montre pas à ta mère, voilà tout ce que je te demande ; car si elle me connaissait un amoureux, elle se moquerait de moi…

— Je te le promets.

Les deux cousines arrivèrent sur la porte du boudoir au moment où la baronne venait de s’évanouir, et le cri poussé par Hortense suffit à la ranimer. La Bette alla chercher des sels. Quand elle revint, elle trouva la fille et la mère dans les bras l’une de l’autre, la mère apaisant les craintes de sa fille, et lui disant : — Ce n’est rien, c’est une crise nerveuse. — Voici ton père, ajouta-t-elle en reconnaissant la manière de sonner du baron, surtout ne lui parle pas de ceci…

Adeline se leva pour aller au-devant de son mari, dans l’intention de l’emmener au jardin, en attendant le dîner, de lui parler du mariage rompu, de le faire expliquer sur l’avenir, et d’essayer de lui donner quelques avis.