prenant ces nouvelles. Jamais capture si riche ne s’était montrée si complaisante au filet conjugal.
— Tu seras madame Brunner de Marville, dit le père à sa fille, car j’obtiendrai pour ton mari la permission de joindre ce nom au sien, et plus tard il aura des lettres de naturalité. Si je deviens pair de France, il me succédera !
La présidente employa cinq jours à apprêter sa fille. Le jour de l’entrevue, elle habilla Cécile elle-même, elle l’équipa de ses mains avec le soin que l’amiral de la flotte bleue mit à armer le yacht de plaisance de la reine d’Angleterre quand elle partit pour son voyage d’Allemagne.
De leur côté, Pons et Schwab nettoyèrent, époussetèrent le musée de Pons, l’appartement, les meubles, avec l’agilité de matelots brossant un vaisseau d’amiral. Pas un grain de poussière dans les bois sculptés. Tous les cuivres reluisaient. Les glaces des pastels laissaient voir nettement les œuvres de Latour, de Greuze et de Liautard, l’illustre auteur de la Chocolatière, le miracle de cette peinture, hélas ! si passagère. L’inimitable émail des bronzes florentins chatoyait. Les vitraux coloriés resplendissaient de leurs fines couleurs. Tout brillait dans sa forme et jetait sa phrase à l’âme dans ce concert de chefs-d’œuvre organisé par deux musiciens aussi poëtes l’un que l’autre.
Assez habiles pour éviter les difficultés d’une entrée en scène, les femmes vinrent les premières, elles voulaient être sur leur terrain. Pons présenta son ami Schmucke à ses parentes, auxquelles il parut être un idiot. Occupées comme elles l’étaient d’un fiancé quatre fois millionnaire, les deux ignorantes prêtèrent une attention médiocre aux démonstrations artistiques du bonhomme Pons. Elles regardaient d’un œil indifférent les émaux de Petitot espacés dans les champs en velours rouge de trois cadres merveilleux. Les fleurs de Van Huysum, de David de Heim, les insectes d’Abraham Mignon, les Van Eyck, les Albert Durer, les vrais Cranach, le Giorgione, le Sébastien del Piombo, Backuysen, Hobbéma, Géricault, les raretés de la peinture, rien ne piquait leur curiosité, car elles attendaient le soleil qui devait éclairer ces richesses ; néanmoins, elles furent surprises de la beauté de quelques bijoux étrusques et de la valeur réelle des tabatières. Elles s’extasiaient par complaisance en tenant à la main des bronzes florentins, quand madame Cibot annonça monsieur Brunner ! Elles ne se retournè-