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ment connu sur ses principaux traits de son caractère, obligé par sa position à tout prendre au sérieux, tenait surtout aux liens de famille. Comme la plupart des maris entièrement dominés par leurs femmes, le président affectait dans les petites choses une indépendance que respectait sa femme. Si pendant un mois le président se contenta des raisons banales que lui donna la présidente, relativement à la disparition de Pons, il finit par trouver singulier que le vieux musicien, un ami de quarante ans, ne vînt plus, précisément après avoir fait un présent aussi considérable que l’éventail de madame de Pompadour. Cet éventail, reconnu par le comte Popinot pour un chef-d’œuvre, valut à la présidente, et aux Tuileries, où l’on se passa ce bijou de main en main, des compliments qui flattèrent excessivement son amour-propre ; on lui détailla les beautés des dix branches en ivoire dont chacune offrait des sculptures d’une finesse inouïe. Une dame russe (les Russes se croient toujours en Russie) offrit, chez le comte Popinot, six mille francs à la présidente de cet éventail extraordinaire, en souriant de le voir en de telles mains, car c’était, il faut l’avouer, un éventail de duchesse.

— On ne peut pas refuser à ce pauvre cousin, dit Cécile à son père le lendemain de cette offre, de se bien connaître à ces petites bêtises-là…

— Des petites bêtises ! s’écria le président. Mais l’État va payer trois cent mille francs la collection de feu monsieur le conseiller Dusommerard, et dépenser, avec la ville de Paris par moitié, près d’un million en achetant et réparant l’hôtel Cluny pour loger ces petites bêtises-là. Ces petites bêtises-là, ma chère enfant, sont souvent les seuls témoignages qui nous restent de civilisations disparues. Un pot étrusque, un collier, qui valent quelquefois, l’un quarante, l’autre cinquante mille francs, sont des petites bêtises qui nous révèlent la perfection des arts au temps du siége de Troie, en nous démontrant que les Étrusques étaient des Troyens réfugiés en Italie.

Tel était le genre de plaisanterie du gros petit président, il procédait avec sa femme et sa fille par de lourdes ironies.

— La réunion des connaissances qu’exigent ces petites bêtises, Cécile, reprit-il, est une science qui s’appelle l’archéologie. L’archéologie comprend l’architecture, la sculpture, la peinture, l’orfévrerie, la céramique, l’ébénisterie, art tout moderne, les