pes du Rhin qui ne se trouvent qu’à Paris et avec quels condiments ! Par certains jours Pons s’écriait : — « Ô Sophie ! » en pensant à la cuisinière du comte Popinot. Un passant, en entendant ce soupir, aurait cru que le bonhomme pensait à une maîtresse, et il s’agissait de quelque chose de plus rare, d’une carpe grasse ! accompagnée d’une sauce, claire dans la saucière, épaisse sur la langue, une sauce à mériter le prix Montyon ! Le souvenir de ces dîners mangés fit donc considérablement maigrir le chef d’orchestre attaqué d’une nostalgie gastrique.
Dans le commencement du quatrième mois, vers la fin de janvier 1845, le jeune flûtiste, qui se nommait Wilhem comme presque tous les Allemands, et Schwab pour se distinguer de tous les Wilhem, ce qui ne le distinguait pas de tous les Schwab, jugea nécessaire d’éclairer Schmucke sur l’état du chef d’orchestre dont on se préoccupait au théâtre. C’était le jour d’une première représentation où donnaient les instruments dont jouait le vieux maître allemand.
— Le bonhomme Pons décline, il y a quelque chose dans son sac qui sonne mal, l’œil est triste, le mouvement de son bras s’affaiblit, dit Wilhem Schwab en montrant le bonhomme qui montait à son pupitre d’un air funèbre.
— C’esdre gomme ça à soissande ans, tuchurs, répondit Schmucke.
Schmucke, semblable à cette mère des chroniques de la Canongate qui, pour jouir de son fils vingt-quatre heures de plus, le fait fusiller, était capable de sacrifier Pons au plaisir de le voir dîner tous les jours avec lui.
— Tout le monde au théâtre s’inquiète, et, comme le dit mademoiselle Héloïse Brisetout, notre première danseuse, il ne fait presque plus de bruit en se mouchant.
Le vieux musicien paraissait donner du cor, quand il se mouchait, tant son nez long et creux sonnait dans le foulard. Ce tapage était la cause d’un des plus constants reproches de la présidente au cousin Pons.
— Che tonnerais pien tes chausses pir l’amisser, dit Schmucke, l’annui le cagne.
— Ma foi, dit Wilhem Schwab, monsieur Pons me semble un être si supérieur à nous autres pauvres diables, que je n’osais pas l’inviter à ma noce. Je me marie…