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Nestor, aux Victor, à tous les or ! Dame ! une fois que ça sera vêtu, nourri, si ça lève la tête, tu seras mené comme un Russe… Je vais voir à t’emménager. Le duc fait bien les choses ; il te prête, c’est-à-dire il te donne dix mille francs, et il en met huit chez son notaire qui sera chargé de te compter six cents francs tous les trimestres, car je te crains. Suis-je gentille ?…

— Adorable !

Dix jours après avoir abandonné sa famille, au moment où, tout en larmes, elle était groupée autour du lit d’Adeline mourante, et qui disait d’une voix faible : « Que fait-il ? » Hector, sous le nom de Thoul, rue Saint-Maur, se trouvait avec Olympe à la tête d’un établissement de broderie, sous la déraison sociale Thoul et Bijou.

Victorin Hulot reçut, du malheur acharné sur sa famille, cette dernière façon qui perfectionne ou qui démoralise l’homme. Il devint parfait. Dans les grandes tempêtes de la vie, on imite les capitaines qui, par les ouragans, allègent le navire des grosses marchandises. L’avocat perdit son orgueil intérieur, son assurance visible, sa morgue d’orateur et ses prétentions politiques. Enfin il fut en homme ce que sa mère était en femme. Il résolut d’accepter sa Célestine, qui, certes, ne réalisait pas son rêve ; et jugea sainement la vie en voyant que la loi commune oblige à se contenter en toutes choses d’à peu près. Il se jura donc à lui-même d’accomplir ses devoirs, tant la conduite de son père lui fit horreur. Ces sentiments se fortifièrent au chevet du lit de sa mère, le jour où elle fut sauvée. Ce premier bonheur ne vint pas seul. Claude Vignon, qui, tous les jours, prenait de la part du prince de Wissembourg le bulletin de la santé de madame Hulot, pria le député réélu de l’accompagner chez le ministre. — Son Excellence, lui dit-il, désire avoir une conférence avec vous sur vos affaires de famille. Victorin Hulot et le ministre se connaissaient depuis long-temps ; aussi le maréchal le reçut-il avec une affabilité caractéristique et de bon augure.

— Mon ami, dit le vieux guerrier, j’ai juré, dans ce cabinet, à votre oncle le maréchal, de prendre soin de votre mère. Cette sainte femme va recouvrer la santé, m’a-t-on dit, le moment est venu de panser vos plaies. J’ai là deux cent mille francs pour vous, je vais vous les remettre.

L’avocat fit un geste digne de son oncle le maréchal.

— Rassurez-vous, dit le prince en souriant. C’est un fidéicom-