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saint et dévoué d’une femme a d’autres plaisirs que ceux qui s’achètent au marché de la prostitution !… Pourquoi ces paroles ? dit-elle en faisant un retour sur elle-même et un pas de plus dans la voie de la perfection, elles ressemblent à de l’ironie, et je n’en ai point ! pardonnez-les moi. D’ailleurs, monsieur, peut-être n’est-ce que moi que j’ai voulu blesser…

La majesté de la vertu, sa céleste lumière avait balayé l’impureté passagère de cette femme, qui, resplendissante de la beauté qui lui était propre, parut grandie à Crevel. Adeline fut en ce moment sublime comme ces figures de la Religion, soutenues par une croix, que les vieux Vénitiens ont peintes ; mais elle exprimait toute la grandeur de son infortune et celle de l’Église catholique où elle se réfugiait par un vol de colombe blessée. Crevel fut ébloui, abasourdi.

— Madame, je suis à vous sans condition ! dit-il dans un élan de générosité. Nous allons examiner l’affaire, et… que voulez-vous ?… tenez ! l’impossible ?… je le ferai. Je déposerai des rentes à la Banque, et, dans deux heures, vous aurez votre argent…

— Mon Dieu ! quel miracle ! dit la pauvre Adeline en se jetant à genoux.

Elle récita une prière avec une onction qui toucha si profondément Crevel, que madame Hulot lui vit des larmes aux yeux, quand elle se releva, sa prière finie.

— Soyez mon ami, monsieur !… lui dit-elle. Vous avez l’âme meilleure que la conduite et que la parole. Dieu vous a donné votre âme, et vous tenez vos idées du monde et de vos passions ! Oh ! je vous aimerai bien ! s’écria-t-elle avec une ardeur angélique dont l’expression contrastait singulièrement avec ses méchantes petites coquetteries.

— Ne tremblez plus ainsi, dit Crevel.

— Est-ce que je tremble ? demanda la baronne qui ne s’apercevait pas de cette infirmité si rapidement venue.

— Oui, tenez, voyez, dit Crevel en prenant le bras d’Adeline et lui démontrant qu’elle avait un tremblement nerveux. Allons, madame, reprit-il avec respect, calmez-vous, je vais à la Banque…

— Revenez promptement ! Songez, mon ami, dit-elle en livrant ses secrets, qu’il s’agit d’empêcher le suicide de mon pauvre oncle Fischer, compromis par mon mari, car j’ai confiance en vous