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— La mort !… mon cher Hector, mais la police correctionnelle ? oh ! jamais ! Elle bondit, elle passa comme un nuage blanc entre les trois spectateurs, et alla se blottir sous le bonheur-du-jour, en se cachant la tête dans ses mains. — Perdue ! morte !… cria-t-elle.

— Monsieur, dit Marneffe à Hulot, si madame Marneffe devenait folle, vous seriez plus qu’un libertin, vous seriez un assassin…

Que peut faire, que peut dire un homme surpris dans un lit qui ne lui appartient pas, même à titre de location, avec une femme qui ne lui appartient pas davantage ? Voici.

— Monsieur le juge de paix, monsieur le commissaire de police, dit le baron avec dignité, veuillez prendre soin de la malheureuse femme dont la raison me semble en danger ?… et vous verbaliserez après. Les portes sont sans doute fermées, vous n’avez pas d’évasion à craindre ni de sa part, ni de la mienne, vu l’état où nous sommes…

Les deux fonctionnaires obtempérèrent à l’injonction du Conseiller-d’État.

— Viens me parler, misérable laquais !… dit Hulot tout bas à Marneffe en lui prenant le bras et l’amenant à lui. — Ce n’est pas moi qui serais l’assassin ! c’est toi ! Tu veux être Chef de bureau et officier de la Légion-d’Honneur ?

— Surtout, mon directeur, répondit Marneffe en inclinant la tête.

— Tu seras tout cela, rassure ta femme, renvoie ces messieurs.

— Nenni, répliqua spirituellement Marneffe. Il faut que ces messieurs dressent le procès-verbal de flagrant délit, car, sans cette pièce, la base de ma plainte, que deviendrais-je ? La haute administration regorge de filouteries. Vous m’avez volé ma femme et ne m’avez pas fait Chef de bureau. Monsieur le baron, je ne vous donne que deux jours pour vous exécuter. Voici des lettres…

— Des lettres !… cria le baron en interrompant Marneffe.

— Oui, des lettres qui prouvent que l’enfant que ma femme porte en ce moment dans son sein est de vous… Vous comprenez ? vous devrez constituer à mon fils une rente égale à la portion que ce bâtard lui prend. Mais je serai modeste, cela ne me regarde point, je ne suis pas ivre de paternité, moi ! Cent louis de rente suffiront. Je serai demain matin successeur de monsieur Coquet, et porté sur la liste de ceux qui vont être promus officiers, à propos des fêtes de juillet, ou… le procès-verbal sera déposé avec ma plainte au parquet. Je suis bon prince, n’est-ce pas ?