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— Lui-même.

Le fourrier, qui fouillait dans la doublure de son képi pendant ce colloque, en tira une lettre que le baron décacheta vivement et il lut ce qui suit :

« Mon neveu, loin de pouvoir vous envoyer les cent mille francs que vous me demandez, ma position n’est pas tenable, si vous ne prenez pas des mesures énergiques pour me sauver. Nous avons sur le dos un procureur du roi, qui parle morale et baragouine des bêtises sur l’administration. Impossible de faire taire ce pékin-là. Si le ministère de la guerre se laisse manger dans la main par les habits noirs, je suis mort. Je suis sûr du porteur, tâchez de l’avancer, car il nous a rendu service. Ne me laissez pas aux corbeaux ! »


Cette lettre fut un coup de foudre, le baron y voyait éclore les déchirements intestins qui tiraillent encore aujourd’hui le gouvernement de l’Algérie entre le civil et le militaire, et il devait inventer sur-le-champ des palliatifs à la plaie qui se déclarait. Il dit au soldat de revenir le lendemain ; et après l’avoir congédié non sans de belles promesses d’avancement, il rentra dans le salon.

— Bonjour, et adieu, mon frère ! dit-il au maréchal. Adieu, mes enfants, adieu, ma bonne Adeline. Et que vas-tu devenir, Lisbeth ? dit-il.

— Moi, je vais tenir le ménage du maréchal, car il faut que j’achève ma carrière en vous rendant toujours service aux uns ou aux autres.

— Ne quitte pas Valérie sans que je t’aie vue, dit Hulot à l’oreille de sa cousine. Adieu, Hortense, ma petite insubordonnée, tâche d’être bien raisonnable, il me survient des affaires graves, nous reprendrons la question de ton raccommodement. Penses-y, ma bonne petite chatte, dit-il en l’embrassant.

Il quitta sa femme et ses enfants, si manifestement troublé, qu’ils demeurèrent en proie aux plus vives appréhensions.

— Lisbeth, dit la baronne, il faut savoir ce que peut avoir Hector, jamais je ne l’ai vu dans un pareil état ; reste encore deux ou trois jours chez cette femme ; il lui dit tout, à elle, et nous apprendrons ainsi ce qui l’a si subitement changé. Sois tranquille, nous allons arranger ton mariage avec le maréchal, car ce mariage est bien nécessaire.