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Coquetterie ou de l’Amour deviennent alors des modes pour les sphères inférieures, au moment où les heureuses créatrices en cherchent d’autres. Pour cette soirée, où Valérie voulait réussir, elle se posa trois mouches. Elle s’était fait peigner avec une eau qui changea, pour quelques jours, ses cheveux blonds en cheveux cendrés. Madame Steinbock étant d’un blond ardent, elle voulut ne lui ressembler en rien. Cette couleur nouvelle donna quelque chose de piquant et d’étrange à Valérie qui préoccupa ses fidèles à tel point, que Montès lui dit :  —  « Qu’avez-vous donc ce soir ?… » Puis elle se mit un collier de velours noir assez large qui fit ressortir la blancheur de sa poitrine. La troisième mouche pouvait se comparer à l’ex-assassine de nos grand’mères. Valérie se planta le plus joli petit bouton de rose au milieu de son corsage, en haut du busc, dans le creux le plus mignon. C’était à faire baisser les regards de tous les hommes au-dessous de trente ans.

— Je suis à croquer ! se dit-elle en repassant ses attitudes dans la glace, absolument comme une danseuse fait ses pliés.

Lisbeth était allée à la Halle, et le dîner devait être un de ces dîners superfins que Mathurine cuisinait pour son évêque quand il traitait le prélat du diocèse voisin.

Stidmann, Claude Vignon et le comte Steinbock arrivèrent presque à la fois, vers six heures. Une femme vulgaire ou naturelle, si vous voulez, serait accourue au nom de l’être si ardemment désiré ; mais Valérie, qui, depuis cinq heures, attendait dans sa chambre, laissa ses trois convives ensemble, certaine d’être l’objet de leur conversation ou de leurs pensées secrètes. Elle-même, en dirigeant l’arrangement de son salon, elle avait mis en évidence ces délicieuses babioles que produit Paris, et que nulle autre ville ne pourra produire, qui révèlent la femme et l’annoncent pour ainsi dire : des souvenirs reliés en émail et brodés de perles, des coupes pleines de bagues charmantes, des chefs-d’œuvre de Sèvres ou de Saxe montés avec un goût exquis par Florent et Chanor, enfin des statuettes et des albums, tous ces colifichets qui valent des sommes folles, et que commande aux fabricants la passion dans son premier délire ou pour son dernier raccommodement. Valérie se trouvait d’ailleurs sous le coup de l’ivresse que cause le succès, elle avait promis à Crevel d’être sa femme, si Marneffe mourait. Or, l’amoureux Crevel avait fait opérer au nom de Valérie Fortin le transfert de dix mille francs de rente, somme de ses gains dans