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un baron de trop, je ne veux pas être jobardé, je veux savoir de quelle manière il est son parent !

Ce soir-là, par un de ces bonheurs qui n’arrivent qu’aux jolies femmes, Valérie était délicieusement mise. Sa blanche poitrine étincelait serrée dans une guipure dont les tons roux faisaient valoir le satin mat de ces belles épaules des Parisiennes, qui savent (par quels procédés, on l’ignore !) avoir de belles chairs et rester sveltes. Vêtue d’une robe de velours noir qui semblait à chaque instant près de quitter ses épaules, elle était coiffée en dentelle mêlée à des fleurs à grappes. Ses bras, à la fois mignons et potelés, sortaient de manches à sabots fourrées de dentelles. Elle ressemblait à ces beaux fruits coquettement arrangés dans une belle assiette et qui donnent des démangeaisons à l’acier du couteau.

— Valérie, disait le Brésilien à l’oreille de la jeune femme, je te reviens fidèle ; mon oncle est mort, et je suis deux fois plus riche que je ne l’étais à mon départ. Je veux vivre et mourir à Paris, près de toi et pour toi.

— Plus bas, Henri ! de grâce !

— Ah ! bah ! dussé-je jeter tout ce monde par la croisée, je veux te parler ce soir, surtout après avoir passé deux jours à te chercher. Je resterai le dernier, n’est-ce pas ?

Valérie sourit à son prétendu cousin et lui dit :  — Songez que vous devez être le fils d’une sœur de ma mère qui, pendant la campagne de Junot en Portugal, aurait épousé votre père.

— Moi, Montès de Montéjanos, arrière-petit-fils d’un des conquérants du Brésil, mentir !

— Plus bas, ou nous ne nous reverrons jamais…

— Et pourquoi ?

— Marneffe a pris, comme les mourants qui chaussent tous un dernier désir, une passion pour moi…

— Ce laquais ?… dit le Brésilien qui connaissait son Marneffe, je le payerai…

— Quelle violence…

— Ah çà ! d’où te vient ce luxe ?… dit le Brésilien qui finit par apercevoir les somptuosités du salon.

Elle se mit à rire.

— Quel mauvais ton, Henri ! dit-elle.

Elle venait de recevoir deux regards enflammés de jalousie qui l’avaient atteinte au point de l’obliger à regarder les deux âmes en