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son goût pour les femmes, dit Lisbeth. Pensez à vous assurer des revenus en me mariant avec le maréchal, vous devriez lui en parler tous ce soir, je partirai de bonne heure exprès.

Victorin entra dans la chambre.

— Eh bien ! ma pauvre petite, dit Lisbeth tout bas à sa petite cousine, et toi, comment feras-tu ?

— Viens dîner avec nous demain, nous causerons, répondit Hortense. Je ne sais où donner de la tête ; toi, tu te connais aux difficultés de la vie, tu me conseilleras.

Pendant que toute la famille réunie essayait de prêcher le mariage au maréchal, et que Lisbeth revenait rue Vanneau, il y arrivait un de ces événements qui stimulent chez les femmes comme madame Marneffe l’énergie du vice en les obligeant à déployer toutes les ressources de la perversité. Reconnaissons au moins ce fait constant : À Paris, la vie est trop occupée pour que les gens vicieux fassent le mal par instinct, ils se défendent à l’aide du vice contre les agressions, voilà tout.

Madame Marneffe, dont le salon était rempli de ses fidèles, avait mis les parties de whist en train, lorsque le valet de chambre, un militaire retraité racolé par le baron, annonça :  — Monsieur le baron Montès de Montéjanos. Valérie reçut au cœur une violente commotion, mais elle s’élança vivement vers la porte en criant :  — Mon cousin !… Et, arrivée au Brésilien, elle lui glissa dans l’oreille ce mot :  — Sois mon parent, ou tout est fini entre nous !

— Eh bien ! reprit-elle à haute voix en amenant le Brésilien à la cheminée, Henri, tu n’as donc pas fait naufrage comme on me l’a dit, je t’ai pleuré trois ans…

— Bonjour, mon ami, dit monsieur Marneffe en tendant la main au Brésilien dont la tenue était celle d’un vrai Brésilien millionnaire.

Monsieur le baron Henri Montès de Montéjanos, doué par le climat équatorial du physique et de la couleur que nous prêtons tous à l’Othello du théâtre, effrayait par un air sombre, effet purement plastique ; car son caractère, plein de douceur et de tendresse, le prédestinait à l’exploitation que les faibles femmes pratiquent sur les hommes forts. Le dédain qu’exprimait sa figure, la puissance musculaire dont témoignait sa taille bien prise, toutes ses forces ne se déployaient qu’envers les hommes, flatterie adressée aux femmes et qu’elles savourent avec tant d’ivresse que les gens qui donnent le