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LES PARENT PAUVRES.




À DON MICHELE ANGELO CAJETANI, PRINCE DE TÉANO.


Ce n’est ni au prince romain, ni à l’héritier de l’illustre maison de Cajetani qui a fourni des papes à la Chrétienté, c’est au savant commentateur de Dante que je dédie ce petit fragment d’une longue histoire.

Vous m’avez fait apercevoir la merveilleuse charpente d’idées sur laquelle le plus grand poète italien a construit son poème, le seul que les modernes puissent opposer à celui d’Homère. Jusqu’à ce que je vous eusse entendu, la Divine Comédie me semblait une immense énigme, dont le mot n’avait été trouvé par personne, et moins par les commentateurs que par qui que ce soit. Comprendre ainsi Dante, c’est être grand comme lui ; mais toutes les grandeurs vous sont familières.

Un savant français se ferait une réputation, gagnerait une chaire et beaucoup de croix, à publier, en un volume dogmatique, l’improvisation par laquelle vous avez charmé l’une de ces soirées où l’on se repose d’avoir vu Rome. Vous ne savez peut-être pas que la plupart de nos professeurs vivent sur l’Allemagne, sur l’Angleterre, sur l’Orient ou sur le Nord, comme des insectes sur un arbre ; et, comme l’insecte, ils en deviennent partie intégrante, empruntant leur valeur de celle du sujet. Or, l’Italie n’a pas encore été exploitée à chaire ouverte. On ne me tiendra jamais compte de ma discrétion littéraire. J’aurais pu, vous dépouillant, devenir un homme docte de la force de trois Schlegel ; tandis que je vais rester simple docteur en médecine sociale, le vétérinaire des maux incurables ne fût-ce que pour offrir un témoignage de reconnaissance à mon cicerone, et joindre votre illustre nom à ceux des Porcia, des San Severino, des Pareto, des di Negro, des Belgiojoso, qui représenteront dans la Comédie Humaine cette alliance intime et continue de l’Italie et de la France