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prouva la plus grande affection. En effet, Catherine fit reconnaître au Parlement le fils que Marie Touchet venait de donner au mois d’avril et permit qu’il prit le nom de comte d’Auvergne, en annonçant à Charles IX qu’elle lui laisserait par testament ses propres, les comtés d’Auvergne et de Lauraguais. Plus tard, Marguerite, d’abord reine de Navarre, contesta la donation quand elle fut reine de France, et le parlement l’annula ; mais plus tard encore, Louis XIII, pris de respect pour le sang des Valois, indemnisa le comte d’Auvergne par le duché d’Angoulême. Catherine avait déjà fait présent à Marie Touchet, qui ne demandait rien, de la seigneurie de Belleville, terre sans titre, voisine de Vincennes et d’où la maitresse se rendait quand, après la chasse, le roi couchait au château. Charles IX passa dans cette sombre forteresse la plus grande partie de ses derniers jours, et, selon quelques auteurs, y acheva sa vie comme Louis XII avait achevé la sienne. Quoiqu’il fût très-naturel à un amant si sérieusement épris de prodiguer à une femme idolâtrée de nouvelles preuves d’amour, alors qu’il fallait expier de légitimes infidélités, Catherine, après avoir poussé son fils dans le lit de la reine, plaida la cause de Marie Touchet comme savent plaider les femmes, et venait de rejeter le roi dans les bras de sa maîtresse. Tout ce qui occupait Charles IX, en dehors de la politique, allait à Catherine ; d’ailleurs, les bonnes intentions qu’elle manifestait pour cet enfant, trompèrent encore un moment Charles IX, qui commençait à voir en elle une ennemie. Les raisons qui faisaient agir en cette affaire Catherine de Médicis, échappaient donc aux yeux de dona Isabel qui, selon Brantôme était une des plus douces reines qui aient jamais régné et qui ne fit mal ni déplaisir à personne, lisant même ses Heures en secret. Mais cette candide princesse commençait à entrevoir les précipices ouverts autour du trône, horrible découverte qui pouvait bien lui causer quelques vertiges ; elle dut en éprouver un plus grand pour avoir pu répondre à une de ses dames qui lui disait à la mort du roi, que si elle avait eu un fils elle serait reine-mère et régente « — Ah ! louons Dieu de ne m’avoir pas donné de fils. Que fût-il arrivé ? le pauvre enfant eût été dépouillé comme on a voulu faire au roi mon mari, et j’en aurais été la cause. Dieu a eu pitié de l’État, il a tout fait pour le mieux. » Cette princesse de qui Brantôme croit avoir fait le portrait en disant qu’elle avait le teint de son visage aussi beau et délicat que les dames de sa cour et fort