Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/626

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humides ; et, par un signe de tête qui parut imprimer un mouvement d’ondulation à cette lumineuse atmosphère, elle consentit à écouter les paroles d’amour que disait l’étranger. Le sage s’enivrait déjà des plus flatteuses espérances, quand la jeune femme, entendant au loin le galop d’un cheval qui semblait avoir des ailes, s’écria : — Nous sommes perdus ! mon mari va nous surprendre. Il est jaloux comme un tigre et plus impitoyable… Au nom du prophète, et si vous aimez la vie, cachez-vous dans ce coffre !… L’auteur épouvanté, ne voyant point d’autre parti à prendre pour se tirer de ce mauvais pas, entra dans le coffre, s’y blottit ; et, la femme le refermant sur lui, en prit la clef. Elle alla au-devant de son époux ; et, après quelques caresses qui le mirent en belle humeur : — Il faut, dit-elle, que je vous raconte une aventure bien singulière. — J’écoute, ma gazelle, répondit l’Arabe qui s’assit sur un tapis en croisant les genoux selon l’habitude des Orientaux. — Il est venu aujourd’hui une espèce de philosophe ! dit-elle. Il prétend avoir rassemblé dans un livre toutes les fourberies dont est capable mon sexe, et ce faux sage m’a entretenue d’amour. — Eh ! bien.. s’écria l’Arabe. — Je l’ai écouté !… reprit-elle avec sang-froid, il est jeune, pressant et… vous êtes arrivé fort à propos pour secourir ma vertu chancelante !… L’Arabe bondit comme un lionceau, et tira son cangiar en rugissant. Le philosophe qui, du fond de son coffre, entendait tout, donnait à Arimane son livre, les femmes et tous les hommes de l’Arabie-Pétrée. — Fatmé !… s’écria le mari, si tu veux vivre, réponds !… Où est le traître ?… Effrayée de l’orage qu’elle s’était plu à exciter, Fatmé se jeta aux pieds de son époux, et, tremblant sous l’acier menaçant du poignard, elle désigna le coffre par un seul regard aussi prompt que timide. Elle se releva honteuse, et, prenant la clef qu’elle avait à sa ceinture, elle la présenta au jaloux ; mais au moment où il se disposait à ouvrir le coffre, la malicieuse Arabe partit d’un grand éclat de rire. Faroun s’arrêta tout interdit, et regarda sa femme avec une sorte d’inquiétude. — Enfin j’aurai ma belle chaîne d’or ! s’écria-t-elle en sautant de joie, donnez-la-moi, vous avez perdu le Diadesté. Une autre fois ayez plus de mémoire. Le mari, stupéfait, laissa tomber la clef, et présenta la prestigieuse chaîne d’or à genoux, en offrant à sa chère Fatmé de lui apporter tous les bijoux des caravanes qui passeraient dans l’année, si elle voulait renoncer à employer des ruses si cruelles pour gagner le Diadesté.