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femmes avaient beaucoup plus de dévouement en amour que les hommes ; que les amants coûtent fort cher, et qu’une femme honnête se trouverait très-heureuse de s’en tirer avec eux pour deux mille francs seulement par an. La discussion allait dégénérer en personnalités, quand on demanda le scrutin. Les conclusions de la commission furent adoptées. Ces conclusions portaient en substance que la somme des cadeaux annuels serait évaluée, entre amants, à cinq cents francs, mais que dans ce chiffre seraient également compris : 1º L’argent des parties de campagne ; 2º les dépenses pharmaceutiques occasionnées par les rhumes que l’on gagnait le soir en se promenant dans les allées trop humides des parcs, ou en sortant du spectacle, et qui constituaient de véritables cadeaux ; 3º les ports de lettres et les frais de chancellerie ; 4º les voyages et toutes les dépenses généralement quelconques dont le détail aurait échappé, sans avoir égard aux folies qui pouvaient être faites par des dissipateurs, attendu que, d’après les recherches de la commission, il était démontré que la plupart des profusions profitaient aux filles d’Opéra, non aux femmes légitimes. Le résultat de cette statistique pécuniaire de l’amour fut que, l’une portant l’autre, une passion coûtait par an près de quinze cents francs, nécessaires à une dépense supportée par les amants d’une manière souvent inégale, mais qui n’aurait pas lieu sans leur attachement. Il y eut aussi une sorte d’unanimité dans l’assemblée pour constater que ce chiffre était le minimum du coût annuel d’une passion. Or, mon cher monsieur, comme nous avons, par les calculs de notre statistique conjugale (Voyez les Méditations I, II et III), prouvé d’une manière irrévocable qu’il existait en France une masse flottante d’au moins quinze cent mille passions illégitimes, il s’ensuit :

Que les criminelles conversations du tiers de la population française contribuent pour une somme de près de trois milliards au vaste mouvement circulatoire de l’argent, véritable sang social dont le cœur est le budget ;

Que la femme honnête ne donne pas seulement la vie aux enfants de la patrie, mais encore à ses capitaux ;

Que nos manufactures ne doivent leur prospérité qu’à ce mouvement systolaire ;

Que la femme honnête est un être essentiellement budgétif et consommateur ;