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de compensations !… Quelques années après cet événement, un vieil oncle du mari, dont les opinions ne cadraient pas avec celles du jeune ami de la maison, et qui conservait un petit levain de rancune contre lui à propos d’une discussion politique, entreprit de le faire expulser du logis. Le vieillard alla jusqu’à dire à son neveu qu’il fallait opter entre sa succession et le renvoi de cet impertinent célibataire. Alors le respectable négociant, car c’était un agent de change, dit à son oncle : — Ah ! ce n’est pas vous, mon oncle, qui me réduirez à manquer de reconnaissance !… Mais si je le lui disais, ce jeune homme se ferait tuer pour vous !… Il a sauvé mon crédit, il passerait dans le feu pour moi, il me débarrasse de ma femme, il m’attire des clients, il m’a procuré presque toutes les négociations de l’emprunt Villèle… je lui dois la vie, c’est le père de mes enfants… cela ne s’oublie pas !…

Toutes ces compensations peuvent passer pour complètes ; mais malheureusement il y a des compensations de tous les genres. Il en existe de négatives, de fallacieuses, et enfin il y en a de fallacieuses et de négatives tout ensemble.

Je connais un vieux mari, possédé par le démon du jeu. Presque tous les soirs l’amant de sa femme vient et joue avec lui. Le célibataire lui dispense avec libéralité les jouissances que donnent les incertitudes et le hasard du jeu, et sait perdre régulièrement une centaine de francs par mois ; mais madame les lui donne… La compensation est fallacieuse.

Vous êtes pair de France et vous n’avez jamais eu que des filles. Votre femme accouche d’un garçon !… La compensation est négative.

L’enfant qui sauve votre nom de l’oubli ressemble à la mère… Madame la duchesse vous persuade que l’enfant est de vous. La compensation négative devient fallacieuse.

Voici l’une des plus ravissantes compensations connues.

Un matin, le prince de Ligne rencontre l’amant de sa femme, et court à lui, riant comme un fou : — Mon cher, lui dit-il, cette nuit je t’ai fait cocu !

Si tant de maris arrivent doucettement à la paix conjugale, et portent avec tant de grâce les insignes imaginaires de la puissance patrimoniale, leur philosophie est sans doute soutenue par le confortabilisme de certaines compensations que les oisifs ne savent pas deviner. Quelques années s’écoulent, et les deux époux atteignent