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perd, rien ne s’échappe de notre planète pour aller ailleurs ; autrement, les astres tomberaient les uns sur les autres ; aussi les eaux du déluge s’y trouvent-elles, dans leurs principes, sans qu’il s’en soit égaré une seule goutte. Autour de nous, au-dessous, au-dessus, se trouvent donc les éléments d’où sont sortis les innombrables millions d’hommes qui ont foulé la terre avant et après le déluge. De quoi s’agit-il ? de surprendre la force qui désunit ; par contre, nous surprendrons celle qui rassemble. Nous sommes le produit d’une industrie visible. Quand les eaux ont couvert notre globe, il en est sorti des hommes qui ont trouvé les éléments de leur vie dans l’enveloppe de la terre, dans l’air et dans leur nourriture. La terre et l’air possèdent donc le principe des transformations humaines, elles se font sous nos yeux, avec ce qui est sous nos yeux ; nous pouvons donc surprendre ce secret, en ne bornant pas les efforts de cette recherche à un homme, mais en lui donnant pour durée l’humanité même. Nous nous sommes donc pris corps à corps avec la matière à laquelle je crois et que moi, le Grand-Maître de l’Ordre, je veux pénétrer. Christophe Colomb a donné un monde au roi d’Espagne ; moi, je cherche un peuple éternel pour le roi de France ! Placé en avant de la frontière la plus reculée qui nous sépare de la connaissance des choses, en patient observateur des atomes, je détruis les formes, je désunis les liens de toute combinaison, j’imite la mort pour pouvoir imiter la vie! Enfin, je frappe incessamment à la porte de la création, et je frapperai jusqu’à mon dernier jour. Quand je serai mort, mon marteau passera en d’autres mains également infatigables, de même que des géants inconnus me le transmirent. De fabuleuses images incomprises, semblables à celles de Prométhée, d’Ixion, d’Adonis, de Pan, etc., qui font partie des croyances religieuses en tout pays, en tout temps, nous annoncent que cet espoir naquit avec les races humaines. La Chaldée, l’Inde, la Perse, l’Égypte, la Grèce, les Maures se sont transmis le Magisme, la science la plus haute parmi les Sciences Occultes, et qui tient en dépôt le fruit des veilles de chaque génération. Là était le lien de la grande et majestueuse institution de l’ordre du Temple. En brûlant les Templiers, sire, un de vos prédécesseurs n’a brûlé que des hommes, les secrets nous sont restés. La reconstruction du Temple est le mot d’ordre d’une nation ignorée, races d’intrépides chercheurs, tous tournés vers l’Orient de la vie, tous frères, tous in-