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L’étude des mystères de la pensée, la découverte des organes de l’âme humaine, la géométrie de ses forces, les phénomènes de sa puissance, l’appréciation de la faculté qu’elle nous semble posséder de se mouvoir indépendamment du corps, de se transporter où elle veut et de voir sans le secours des organes corporels, enfin les lois de sa dynamique et celles de son influence physique, constitueront la glorieuse part du siècle suivant dans le trésor des sciences humaines. Et nous ne sommes occupés peut-être, en ce moment, qu’à extraire les blocs énormes qui serviront plus tard à quelque puissant génie pour bâtir quelque glorieux édifice.

Ainsi l’erreur de Rousseau a été l’erreur de son siècle. Il a expliqué la pudeur par les relations des êtres entre eux, au lieu de l’expliquer par les relations morales de l’être avec lui-même. La pudeur n’est pas plus susceptible que la conscience d’être analysée ; et ce sera peut-être l’avoir fait comprendre instinctivement que de la nommer la conscience du corps ; car l’une dirige vers le bien nos sentiments et les moindres actes de notre pensée, comme l’autre préside aux mouvements extérieurs. Les actions qui, en froissant nos intérêts, désobéissent aux lois de la conscience, nous blessent plus fortement que toutes les autres ; et, répétées, elles font naître la haine. Il en est de même des actes contraires à la pudeur relativement à l’amour, qui n’est que l’expression de toute notre sensibilité. Si une extrême pudeur est une des conditions de la vitalité du mariage comme nous avons essayé de le prouver (voyez le Catéchisme Conjugal, Méditation IV), il est évident que l’impudeur le dissoudra. Mais ce principe, qui demande de longues déductions au physiologiste, la femme l’applique la plupart du temps machinalement ; car la société, qui a tout exagéré au profit de l’homme extérieur, développe dès l’enfance, chez les femmes, ce sentiment, autour duquel se groupent presque tous les autres. Aussi du moment où ce voile immense qui désarme le moindre geste de sa brutalité naturelle vient à tomber, la femme disparaît-elle. Âme, cœur, esprit, amour, grâce, tout est en ruines. Dans la situation où brille la virginale candeur d’une fille d’Otaïti, l’Européenne devient horrible. Là est la dernière arme dont se saisit une épouse pour s’affranchir du sentiment que lui porte encore son mari. Elle est forte de sa laideur ; et, cette femme, qui regarderait comme le plus grand malheur de laisser voir le plus léger mystère de sa toilette à son amant, se fera un plaisir de se