Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veulent un diamant à fondre ou des lingots à mettre en poudre. À chacun son travail ! Celui-ci cherche le secret de la nature végétale, il épie la lente vie des plantes, il note la parité du mouvement dans toutes les espèces et la parité de la nutrition ; il trouve que partout il faut le soleil, l’air et l’eau pour féconder et pour nourrir. Celui-là scrute le sang des animaux. Un autre étudie les lois du mouvement général et ses liaisons avec les révolutions célestes. Presque tous s’acharnent à combattre la nature intraitable du métal, car si nous trouvons plusieurs principes en toutes choses, nous trouvons tous les métaux semblables à eux-mêmes dans leurs moindres parties. De là l’erreur commune sur nos travaux. Voyez-vous tous ces patients, ces infatigables athlètes, toujours vaincus, et revenant toujours au combat ! L’Humanité, sire ! est derrière nous, comme le piqueur est derrière votre meute. Elle nous crie : Hâtez-vous ! Ne négligez rien ! Sacrifiez tout, même un homme, vous, qui vous sacrifiez vous-mêmes ! Hâtez-vous ! Abattez la tête et le bras à la Mort, mon ennemie ! Oui, sire ! nous sommes animés d’un sentiment qui embrasse le bonheur des générations à venir. Nous avons enseveli un grand nombre d’hommes, et quels hommes ! morts à cette poursuite. En mettant le pied dans cette carrière, nous pouvons ne pas travailler pour nous-mêmes ; nous pouvons périr sans avoir trouvé le secret ! et quelle mort est celle de celui qui ne croit pas à une autre vie ! Nous sommes de glorieux martyrs, nous avons l’égoïsme de toute la race en nos cœurs, nous vivons dans nos successeurs. Chemin faisant, nous découvrons des secrets dont nous dotons les arts mécaniques et libéraux. De nos fourneaux s’échappent des lueurs qui arment les sociétés d’industries plus parfaites. La poudre est issue de nos alambics, nous conquerrons la foudre. Il y a des renversements de politique dans nos veilles assidues.

— Serait-ce donc possible ? s’écria le roi qui se dressa de nouveau dans sa chaire.

— Pourquoi non ! dit le Grand-maître des nouveaux Templiers. Tradidit mundum disputalionibus ! Dieu nous a livré le monde. Encore une fois, entendez-le : l’homme est le maître ici-bas, et la matière est à lui. Toutes les forces, tous les moyens sont à sa disposition. Qui nous a créés ? un mouvement. Quelle puissance entretient la vie en nous ? un mouvement. Ce mouvement, pourquoi la science ne le saisirait-elle pas ? Rien ici-bas ne se