ces mots, la jeune femme lève un peu sa tête languissante, lève un bras qui retombe faiblement sur le divan, lève des yeux morts sur le plafond, lève tout ce qu’elle peut lever ; puis, vous lançant un regard terne, elle dit d’une voix singulièrement affaiblie : — Eh ! qu’aurais-je donc ?… Oh ! l’on ne souffre pas tant pour mourir !… Voilà donc toutes les consolations que vous me donnez ! Ah ! l’on voit bien, messieurs, que la nature ne vous a pas chargés de mettre des enfants au monde. Êtes-vous égoïstes et injustes ? Vous nous prenez dans toute la beauté de la jeunesse, fraîches, roses, la taille élancée, voilà qui est bien ! Quand vos plaisirs ont ruiné les dons florissants que nous tenons de la nature, vous ne nous pardonnez pas de les avoir perdus pour vous ! C’est dans l’ordre. Vous ne nous laissez ni les vertus ni les souffrances de notre condition. Il vous a fallu des enfants, nous avons passé les nuits à les soigner ; mais les couches ont ruiné notre santé, en nous léguant le principe des plus graves affections (Ah ! quelles douleurs !…) Il y a peu de femmes qui ne soient sujettes à la migraine ; mais la vôtre doit en être exempte… Vous riez même de ses douleurs ; car vous êtes sans générosité… (Par grâce, ne marchez pas !…) Je ne me serais pas attendu à cela de vous. (Arrêtez la pendule, le mouvement du balancier me répond dans la tête. Merci.) Oh ! que je suis malheureuse !… N’avez-vous pas sur vous une essence ? Oui. Ah ! par pitié, permettez-moi de souffrir à mon aise, et sortez ; car cette odeur me fend le crâne ! Que pouvez-vous répondre ?… N’y a-t-il pas en vous une voix intérieure qui vous crie : — Mais si elle souffre ?… Aussi presque tous les maris évacuent-ils le champ de bataille bien doucement ; et c’est du coin de l’œil que leurs femmes les regardent marchant sur la pointe du pied et fermant doucement la porte de leur chambre désormais sacrée.
Voilà la migraine, vraie ou fausse, impatronisée chez vous. La migraine commence alors à jouer son rôle au sein du ménage. C’est un thème sur lequel une femme sait faire d’admirables variations, elle le déploie dans tous les tons. Avec la migraine seule, une femme peut désespérer un mari. La migraine prend à madame quand elle veut, où elle veut, autant qu’elle le veut. Il y en a de cinq jours, de dix minutes, de périodiques ou d’intermittentes.
Vous trouvez quelquefois votre femme au lit, souffrante, accablée, et les persiennes de sa chambre sont fermées. La migraine a