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qu’un excellent coureur attendait le capitaine ; et que, par une délicatesse assez rare dans la cavalerie, l’amant sut sacrifier quelques moments de bonheur pour rejoindre la cavalcade et revenir en compagnie du mari.

Le mariage est un véritable duel où pour triompher de son adversaire il faut une attention de tous les moments ; car si vous avez le malheur de détourner la tête, l’épée du célibat vous perce de part en part.



§ V. — DE LA FEMME DE CHAMBRE.


La plus jolie femme de chambre que j’aie vue est celle de madame V…y, qui joue encore aujourd’hui, à Paris, un très-beau rôle parmi les femmes les plus à la mode et qui passe pour faire très-bon ménage avec son mari. Mademoiselle Célestine est une personne dont les perfections sont si nombreuses qu’il faudrait pour la peindre traduire les trente vers inscrits, dit-on, dans le sérail du Grand-seigneur, et qui contiennent chacun l’exacte description d’une des trente beautés de la femme.

— Il y a bien de la vanité à garder auprès de vous une créature si accomplie !… disait une dame à la maîtresse de la maison.

— Ah ! ma chère, vous en viendrez peut être un jour à m’envier Célestine !

— Elle a donc des qualités bien rares ? Elle habille peut-être bien ?

— Oh ! très-mal.

— Elle coud bien ?

— Elle ne touche jamais à une aiguille.

— Elle est fidèle ?

— Une de ces fidélités qui coûtent plus cher que l’improbité la plus astucieuse.

— Vous m’étonnez, ma chère.

— C’est donc votre sœur de lait ?

— Pas tout à fait. Enfin elle n’est bonne à rien ; mais c’est de toute ma maison la personne qui m’est la plus utile. Si elle reste dix ans chez moi je lui ai promis vingt mille francs. Oh ! ce sera de l’argent bien gagné et je ne le regretterai pas !… dit la jeune femme en agitant la tête par un mouvement très-significatif.

La jeune interlocutrice de madame V…y finit par comprendre.

Quand une femme n’a pas d’amie assez intime pour l’aider à se