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grâce de ses gestes, par ses airs de tête et par son attitude coquette.

— Oh ! quand je verrai Louise avoir un amant, reprit-elle, quand je saurai que je ne lui ai rien enlevé, et qu’elle n’aura rien à regretter en perdant votre affection ; quand je serai bien sûre que vous ne l’aimez plus, en acquérant une preuve certaine de votre indifférence pour elle… Oh, alors, je pourrai vous écouter !

— Ces paroles doivent vous paraître odieuses, reprit-elle d’un son de voix profond ; elles le sont en effet, mais ne croyez pas qu’elles soient prononcées par moi. Je suis le mathématicien rigoureux qui tire toutes les conséquences d’une première proposition. Vous êtes marié, et vous vous avisez d’aimer ?… Je serais folle de donner quelque espérance à un homme qui ne peut pas être éternellement à moi.

— Démon !… s’écria le mari. Oui, vous êtes un démon et non pas une femme !…

— Mais vous êtes vraiment plaisant !… dit la jeune dame en saisissant le cordon de sa sonnette.

— Oh ! non, Émilie !… reprit d’une voix plus calme l’amant quadragénaire. Ne sonnez pas, arrêtez, pardonnez-moi ?… je vous sacrifierai tout !…

— Mais je ne vous promets rien !… dit-elle vivement et en riant.

— Dieu ! que vous me faites souffrir !… s’écria-t-il.

— Eh ! n’avez-vous pas dans votre vie causé plus d’un malheur ? demanda-t-elle. Souvenez-vous de toutes les larmes qui, par vous et pour vous, ont coulé !… Oh ! votre passion ne m’inspire pas la moindre pitié. Si vous voulez que je n’en rie pas, faites-la moi partager…

— Adieu, madame. Il y a de la clémence dans vos rigueurs. J’apprécie la leçon que vous me donnez. Oui, j’ai des erreurs à expier…

— Eh ! bien, allez vous en repentir, dit-elle, avec un sourire moqueur, en faisant le bonheur de Louise vous accomplirez la plus rude de toutes les pénitences.

Ils se quittèrent. Mais l’amour du baron était trop violent pour que les duretés de madame B… n’atteignissent pas au but qu’elle s’était proposé, la désunion des deux époux.

Au bout de quelques mois, le baron de V… et sa femme vivaient