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§ II. DE LA BELLE-MÈRE.


Jusqu’à l’âge de trente ans, le visage d’une femme est un livre écrit en langue étrangère, et que l’on peut encore traduire, malgré les difficultés de tous les gunaïsmes de l’idiome ; mais, passé quarante ans, une femme devient un grimoire indéchiffrable, et si quelqu’un peut deviner une vieille femme, c’est une autre vieille femme.

Quelques diplomates ont tenté plusieurs fois l’entreprise diabolique de gagner des douairières qui s’opposaient à leurs desseins ; mais, s’ils ont réussi, ce n’a jamais été qu’en faisant des sacrifices énormes pour eux ; car ce sont gens fort usés, et nous ne pensons pas que vous puissiez employer leur recette auprès de votre belle-mère. Ainsi elle sera le premier aide de-camp de votre femme, car si la mère n’était pas du parti de sa fille, ce serait une de ces monstruosités qui, malheureusement pour les maris, sont très-rares.

Quand un homme est assez heureux pour avoir une belle-mère très-bien conservée, il lui est facile de la tenir pendant un certain temps en échec, pour peu qu’il connaisse quelque jeune célibataire courageux. Mais généralement, les maris qui ont quelque peu de génie conjugal, savent opposer leur mère à celle de leur femme, et alors elles se neutralisent l’une par l’autre assez naturellement.

Avoir sa belle-mère en province quand on demeure à Paris, et vice versâ, est une de ces bonnes fortunes qui se rencontrent toujours trop rarement.

Brouiller la mère et la fille ?… Cela est possible ; mais pour mettre à fin cette entreprise, il faut se sentir le cœur métallique de Richelieu, qui sut rendre ennemis un fils et une mère. Cependant la jalousie d’un mari peut tout se permettre, et je doute que celui qui défendait à sa femme de prier les saints, et qui voulait qu’elle ne s’adressât qu’aux saintes, la laissât libre de voir sa mère.

Beaucoup de gendres ont pris un parti violent qui concilie tout, et qui consiste à vivre mal avec leurs belles-mères. Cette inimitié serait d’une politique assez adroite, si elle n’avait pas malheureusement pour résultat infaillible de resserrer un jour les liens qui unissent une fille à sa mère.

Tels sont à peu près tous les moyens que vous avez pour combattre l’influence maternelle dans votre ménage. Quant aux services que