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chez monsieur de T… On se doute de l’accueil qu’il me fit, et des instances, des compliments adressés au marquis, qu’on retint à toute force. On voulut le conduire à madame, dans l’espérance qu’elle le déterminerait à rester. Quant à moi, l’on n’osait pas me faire la même proposition. On savait que ma santé était délicate, le pays était humide, fiévreux, et j’avais l’air si abattu, qu’il était clair que le château me deviendrait funeste. Le marquis m’offrit sa chaise, j’acceptai. Le mari était au comble de la joie, et nous étions tous contents. Mais je ne voulais pas me refuser la joie de revoir madame de T… Mon impatience fit merveille. Mon ami ne concevait rien au sommeil de sa maîtresse. — « Cela n’est-il pas admirable, me dit-il en suivant monsieur de T… quand on lui aurait soufflé ses répliques, aurait-il mieux parlé ? C’est un galant homme. Je ne suis pas fâché de le voir se raccommoder avec sa femme, ils feront tous deux une bonne maison, et tu conviendras qu’il ne peut pas mieux choisir qu’elle pour en faire les honneurs. — Oui, par ma foi ! dis-je. — Quelque plaisante que soit l’aventure ?… me dit-il d’un air de mystère, motus ! Je saurai faire entendre à madame de T… que son secret est entre bonnes mains. — Crois, mon ami, qu’elle compte sur moi mieux que sur toi, peut-être ; car, tu vois ? son sommeil n’en est pas troublé. — Oh ! je conviens que tu n’as pas ton second pour endormir une femme. — Et un mari, et, au besoin, un amant, mon cher. » Enfin monsieur de T… obtint l’entrée de l’appartement de madame. Nous nous y trouvâmes tous en situation. — « Je tremblais, me dit madame de T…, que vous ne fussiez parti avant mon réveil, et je vous sais gré d’avoir senti le chagrin que cela m’aurait donné. — Madame, dis-je d’un son de voix dont elle comprit l’émotion, recevez mes adieux… » Elle nous examina, moi et le marquis, d’un air inquiet ; mais la sécurité et l’air malicieux de son amant la rassurèrent. Elle en rit sous cape avec moi autant qu’il le fallait pour me consoler sans se dégrader à mes yeux. — « Il a bien joué son rôle, lui dit le marquis à voix basse en me désignant, et ma reconnaissance… — Brisons là-dessus, lui dit madame de T… croyez que je sais tout ce que je dois à monsieur. » Enfin monsieur de T… me persifla et me renvoya ; mon ami le dupa et se moqua de moi ; je le leur rendais à tous deux, admirant madame de T… qui nous jouait tous sans rien perdre de sa dignité. Je