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dit-elle, nous avons trouvée par hasard !… Eh ! bien, si des raisons (je le suppose) nous forçaient à nous séparer demain, notre bonheur, ignoré de toute la nature, ne nous laisserait, par exemple, aucun lien à dénouer… quelques regrets peut-être dont un souvenir agréable serait le dédommagement ; et puis, au fait, de l’agrément sans toutes les lenteurs, les tracas et la tyrannie des procédés. » Nous sommes tellement machines, (et j’en rougis !) qu’au lieu de toutes les délicatesses qui me tourmentaient avant cette scène, j’étais au moins pour la moitié dans la hardiesse de ces principes, et me sentais déjà une disposition très-prochaine à l’amour de la liberté. — « La belle nuit, me disait-elle, les beaux lieux ! Ils viennent de reprendre de nouveaux charmes. Oh ! n’oublions jamais ce pavillon… Le château recèle, me dit-elle en souriant, un lieu plus ravissant encore ; mais on ne peut rien vous montrer : vous êtes comme un enfant qui veut toucher à tout, et qui brise tout ce qu’il touche. » Je protestai, mu par un sentiment de curiosité, d’être très-sage. Elle changea de propos. — « Cette nuit, me dit-elle, serait sans tache pour moi, si je n’étais fâchée contre moi-même de ce que je vous ai dit de la comtesse. Ce n’est pas que je veuille me plaindre de vous. La nouveauté pique. Vous m’avez trouvée aimable, j’aime à croire à votre bonne foi. Mais l’empire de l’habitude est long à détruire, et je ne possède pas ce secret-là. — À propos, comment trouvez-vous mon mari ? — Hé ! assez maussade, il ne peut pas être moins pour moi. — Oh ! c’est vrai, le régime n’est pas aimable, il ne vous a pas vu de sang-froid. Notre amitié lui deviendrait suspecte. — Oh ! elle le lui est déjà. — Avouez qu’il a raison. Ainsi ne prolongez pas ce voyage : il prendrait de l’humeur. Dès qu’il viendra du monde, et, me dit-elle en me souriant, il en viendra… partez. D’ailleurs vous avez des ménagements à garder… Et puis souvenez-vous de l’air de monsieur, en nous quittant hier !… » J’étais tenté d’expliquer cette aventure comme un piége, et comme elle vit l’impression que produisaient sur moi ses paroles, elle ajouta : — « Oh ! il était plus gai quand il faisait arranger le cabinet dont il vous parlait. C’était avant mon mariage. Ce réduit tient à mon appartement. Hélas ! il est un témoignage des ressources artificielles dont monsieur de T. avait besoin pour fortifier son sentiment. — Quel plaisir, lui dis-je, vivement excité par la curiosité qu’elle faisait naître, d’y