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rien de pénible à vous adorer ; mais aux douces obligations que nous impose un sentiment vrai. Vous avez toute ma confiance et vous gérez ma fortune. Je ne vous ai rien refusé. Enfin voici la première fois que je vous montre un visage, je ne dirai pas sévère, mais improbateur. Cependant laissons cela, car je ne dois pas faire mon apologie dans un moment où vous me prouvez si énergiquement qu’il me manque nécessairement quelque chose, et que je ne suis pas destiné par la nature à accomplir l’œuvre difficile de votre bonheur. Je vous demanderai donc alors, en ami parlant à son ami, comment vous avez pu exposer la vie de trois êtres à la fois :… celle de la mère de mes enfants, qui me sera toujours sacrée ; celle du chef de la famille, et celle enfin de celui que vous aimez… (elle se jettera peut-être à vos pieds ; il ne faudra jamais l’y souffrir ; elle est indigne d’y rester), car… vous ne m’aimez plus, Élisa. Eh ! bien, ma pauvre enfant (vous ne la nommerez ma pauvre enfant qu’au cas où le crime ne serait pas commis), pourquoi se tromper ?… Que ne me le disiez-vous ? Si l’amour s’éteint entre deux époux, ne reste-t-il pas l’amitié, la confiance ?… Ne sommes-nous pas deux compagnons associés pour faire une même route ? Est-il dit que, pendant le chemin, l’un n’aura jamais à tendre la main à l’autre, pour le relever ou pour l’empêcher de tomber ? Mais j’en dis même peut-être trop, et je blesse votre fierté… Élisa !… Élisa !

Que diable voulez-vous que réponde une femme ?… Il y a nécessairement péripétie.

Sur cent femmes, il existe au moins une bonne demi-douzaine de créatures faibles qui, dans cette grande secousse, reviennent peut-être pour toujours à leurs maris, en véritables chattes échaudées craignant désormais l’eau froide. Cependant cette scène est un véritable alexipharmaque dont les doses doivent être tempérées par des mains prudentes.

Pour certaines femmes à fibres molles, dont les âmes sont douces et craintives, il suffira, en montrant la cachette où [ou] gît l’amant, de dire. — M. À–Z est là !… (On hausse les épaules.) Comment pouvez-vous jouer un jeu à faire tuer deux braves gens ? Je sors, faites-le évader, et que cela n’arrive plus.

Mais il existe des femmes dont le cœur trop fortement dilaté s’anévrise dans ces terribles péripéties ; d’autres, chez lesquelles le sang se tourne, et qui font de graves maladies. Quelques-unes sont