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comme aux anciens Romains, droit de vie et de mort sur ses enfants, pour qu’il pût tuer les adultérins.

Ces opinions féroces, qui ne vous engagent à rien, imprimeront une terreur salutaire à votre femme ; vous les énoncerez même en riant et en lui disant : — Oh ! mon Dieu, oui, mon cher amour, je te tuerais fort proprement. Aimerais-tu à être occise par moi ?…

Une femme ne peut jamais s’empêcher de craindre que cette plaisanterie ne devienne un jour très-sérieuse, car il y a encore de l’amour dans ces crimes involontaires ; puis les femmes, sachant mieux que personne dire la vérité en riant, soupçonnent parfois leurs maris d’employer cette ruse féminine.

Alors, quand un époux surprend sa femme avec son amant, au milieu même d’une innocente conversation, sa tête, vierge encore, doit produire l’effet mythologique de la célèbre Gorgone.

Pour obtenir une péripétie favorable en cette conjoncture, il faut, selon le caractère de votre femme, ou jouer une scène pathétique à la Diderot, ou faire de l’ironie comme Cicéron, ou sauter sur des pistolets chargés à poudre, et les tirer même si vous jugez un grand éclat indispensable.

Un mari adroit s’est assez bien trouvé d’une scène de sensiblerie modérée. Il entre, voit l’amant et le chasse d’un regard. Le célibataire parti, il tombe aux genoux de sa femme, déclame une tirade, où, entre autres phrases, il y avait celle-ci : — Eh quoi ! ma chère Caroline, je n’ai pas su t’aimer !…

Il pleure, elle pleure, et cette péripétie larmoyante n’eut rien d’incomplet.

Nous expliquerons, à l’occasion de la seconde manière dont peut se présenter la péripétie, les motifs qui obligent un mari à moduler cette scène sur le degré plus ou moins élevé de la force féminine.

Poursuivons !

Si votre bonheur veut que l’amant soit caché, la péripétie sera bien plus belle.

Pour peu que l’appartement ait été disposé selon les principes consacrés par la Méditation XIV, vous reconnaîtrez facilement l’endroit où s’est blotti le célibataire, se fût-il, comme le don Juan de lord Byron, pelotonné sous le coussin d’un divan. Si, par hasard, votre appartement est en désordre, vous devez en avoir une connaissance assez parfaite pour savoir qu’il n’y a pas deux endroits où un homme puisse se mettre.