et reviendrait secrètement. La reine avait annoncé le dessein d’aller avec toute la compagnie suivre, ce jour-là, une chasse au sanglier, et la comtesse devait feindre une indisposition. Le comte, ayant été envoyé à Paris par le roi Louis, donnait peu d’inquiétudes. Pour concevoir toute la perfidie du plan de la duchesse, il faut expliquer succinctement la disposition de l’appartement exigu qu’occupait la comtesse au château. Il était situé au premier étage, au-dessus des petits appartements de la reine, et au bout d’un long corridor. On entrait immédiatement dans une chambre à coucher, à droite et à gauche de laquelle se trouvaient deux cabinets. Celui de droite était un cabinet de toilette, et celui de gauche avait été récemment transformé en boudoir par la comtesse. On sait ce qu’est un cabinet de campagne : celui-là n’avait que les quatre murs. Il était décoré d’une tenture grise, et il n’y avait encore qu’un petit divan et un tapis ; car l’ameublement devait en être achevé sous peu de jours. La duchesse n’avait conçu sa noirceur que d’après ces circonstances, qui, bien que légères en apparence, la servirent admirablement. Sur les onze heures, un déjeuner délicat est préparé dans la chambre. L’officier, revenant de Paris, déchirait à coups d’éperon les flancs de son cheval. Il arrive enfin ; il confie le noble animal à son valet, escalade les murs du parc, vole au château, et parvient à la chambre sans avoir été vu de personne, pas même d’un jardinier. Les officiers d’ordonnance portaient alors, si vous ne vous en souvenez pas, des pantalons collants très-serrés et un petit schako étroit et long, costume aussi favorable pour se faire admirer le jour d’une revue qu’il est gênant dans un rendez-vous. La vieille femme avait calculé l’inopportunité de l’uniforme. Le déjeuner fut d’une gaieté folle. La comtesse ni sa mère ne buvaient de vin ; mais l’officier, qui connaissait le proverbe, sabla fort joliment autant de vin de Champagne qu’il en fallait pour aiguiser son amour et son esprit. Le déjeuner terminé, l’officier regarda la belle-mère qui, poursuivant son rôle de complice, dit : — J’entends une voiture, je crois !… Et de sortir. Elle rentre au bout de trois minutes. — C’est le comte !… s’écria-t-elle en poussant les deux amants dans le boudoir. — Soyez tranquilles !… leur dit-elle. — Prenez donc votre schako… ajouta-t-elle en gourmandant par un geste l’imprudent jeune homme. Elle recula vivement la table dans le cabinet de toilette ; et, par ses soins, le désordre de la chambre se trouva entièrement réparé au moment où son fils
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