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elle se prête à toutes vos exigences ; jamais ses discours n’auront été plus tendres ; elle les prodigue ou plutôt elle les vend ; elle arrive à tomber au-dessous d’une fille d’Opéra, car elle se prostitue à son mari. Dans ses plus doux baisers, il y a de l’argent ; dans ses paroles il y a de l’argent. À ce métier ses entrailles deviennent de plomb pour vous. L’usurier le plus poli, le plus perfide, ne soupèse pas mieux d’un regard la future valeur métallique d’un fils de famille auquel il fait signer un billet, que votre femme n’estime un de vos désirs en sautant de branche en branche comme un écureuil qui se sauve, afin d’augmenter la somme d’argent par la somme d’appétence. Et ne croyez pas échapper à de telles séductions. La nature a donné des trésors de coquetterie à une femme, et la société les a décuplés par ses modes, ses vêtements, ses broderies et ses pèlerines.

— Si je me marie, disait un des plus honorables généraux de nos anciennes armées, je ne mettrai pas un sou dans la corbeille…

— Et qu’y mettrez-vous donc, général ? dit une jeune personne.

— La clef du secrétaire.

La demoiselle fit une petite minauderie d’approbation. Elle agita doucement sa petite tête par un mouvement semblable à celui de l’aiguille aimantée ; son menton se releva légèrement, et il semblait qu’elle eût dit : — J’épouserais le général très-volontiers, malgré ses quarante-cinq ans.

Mais comme question d’argent, quel intérêt voulez-vous donc que prenne une femme dans une machine où elle est gagée comme un teneur de livres ?

Examinez l’autre système.

En abandonnant à votre femme, sous couleur de confiance absolue, les deux tiers de votre fortune, et la laissant maîtresse de diriger l’administration conjugale, vous obtenez une estime que rien ne saurait effacer, car la confiance et la noblesse trouvent de puissants échos dans le cœur de la femme. Madame sera grevée d’une responsabilité qui élèvera souvent une barrière d’autant plus forte contre ses dissipations qu’elle se la sera créée elle-même dans son cœur. Vous, vous avez fait d’abord une part au feu, et vous êtes sûr ensuite que votre femme ne s’avilira peut-être jamais.

Maintenant, en cherchant là des moyens de défense, considérez quelles admirables ressources vous offre ce plan de finances.

Vous aurez, dans votre ménage, une cote exacte de la moralité