Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/492

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de ténèbres que la science moderne n’a que faiblement dissipées. Nous ne savons pas jusqu’à quel point les circonstances extérieures agissent sur les animaux microscopiques, dont la découverte est due à la patience infatigable des Hill, des Baker, des Joblot, des Eichorn, des Gleichen, des Spallanzani, surtout de Müller, et, en dernier lieu, de monsieur Bory de Saint-Vincent. L’imperfection du lit renferme une question musicale de la plus haute importance, et, pour mon compte, je déclare que je viens d’écrire en Italie pour obtenir des renseignements certains sur la manière dont y sont généralement établis les lits… Nous saurons incessamment s’il y a beaucoup de tringles, de vis, de roulettes, si les constructions en sont plus vicieuses dans ce pays que partout ailleurs, et si la sécheresse des bois due à l’action du soleil ne produit pas, ab ovo, l’harmonie dont le sentiment inné se trouve chez les Italiens… Par tous ces motifs, je demande l’ajournement.

— Et sommes-nous ici pour prendre l’intérêt de la musique ?… s’écria un gentleman de l’Ouest en se levant avec brusquerie. Il s’agit des mœurs avant tout, et la question morale prédomine toutes les autres…

— Cependant, dit un des membres les plus influents du conseil, l’avis du premier opinant ne me paraît pas à dédaigner. Dans le siècle dernier, messieurs, l’un de nos écrivains le plus philosophiquement plaisant et le plus plaisamment philosophique, Sterne, se plaignait du peu de soin avec lequel se faisaient les hommes : « Ô honte ! s’écria-t-il, celui qui copie la divine physionomie de l’homme reçoit des couronnes et des applaudissements, tandis que celui qui présente la maîtresse pièce, le prototype d’un travail mimique, n’a, comme la vertu, que son œuvre pour récompense !… » Ne faudrait-il pas s’occuper de l’amélioration des races humaines, avant de s’occuper de celle des chevaux ? Messieurs, je suis passé dans une petite ville de l’Orléanais où toute la population est composée de bossus, de gens à mines rechignées ou chagrines, véritables enfants de malheur… Eh ! bien, l’observation du premier opinant me fait souvenir que tous les lits y étaient en très-mauvais état, et que les chambres n’offraient aux yeux des époux que de hideux spectacles… Eh ! messieurs, nos esprits peuvent-ils être dans une situation analogue à celle de nos idées, quand au lieu de la musique des anges, qui voltigent çà et là au