Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/489

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nous fîmes quelques pas vers le divan, et nous vîmes le mot — SOT — capricieusement tracé sur le meuble fatal par quatre

De ces je ne sais quoi, qu’une amante tira

Du verger de Cypris, labyrinthe des fées,

Et qu’un duc autrefois jugea si précieux

Qu’il voulut l’honorer d’une chevalerie,

Illustre et noble confrérie

Moins pleine d’hommes que de Dieux.

— Personne dans ma maison n’a les cheveux noirs ! dit le mari en pâlissant.

Je me sauvai, car je me sentis pris d’une envie de rire que je n’aurais pas facilement comprimé.

— Voilà un homme jugé !… me dis-je. Il n’a fait que préparer d’incroyables plaisirs à sa femme, par toutes les barrières dont il l’a environnée.

Cette idée m’attrista. L’aventure détruisait de fond en comble trois de mes plus importantes Méditations, et l’infaillibilité catholique de mon livre était attaquée dans son essence. J’aurais payé de bien bon cœur la fidélité de la vicomtesse de V de la somme avec laquelle bien des gens eussent voulu lui acheter une seule faute. Mais je devais éternellement garder mon argent.

En effet, trois jours après, je rencontrai le maître des requêtes au foyer des Italiens. Aussitôt qu’il m’aperçut, il accourut à moi. Poussé par une sorte de pudeur, je cherchais à l’éviter ; mais, me prenant le bras : — Ah ! je viens de passer trois cruelles journées !… me dit-il à l’oreille. Heureusement, ma femme est peut-être plus innocente qu’un enfant baptisé d’hier…

— Vous m’avez déjà dit que madame la vicomtesse était très-spirituelle… répliquai-je avec une cruelle bonhomie.

— Oh ! ce soir j’entends volontiers la plaisanterie ; car ce matin, j’ai eu des preuves irrécusables de la fidélité de ma femme. Je m’étais levé de très-bonne heure pour achever un travail pressé… En regardant mon jardin par distraction, j’y vois tout à coup le valet de chambre d’un général, dont l’hôtel est voisin du mien, grimper par-dessus les murs. La soubrette de ma femme, avançant la tête hors du vestibule, caressait mon chien et protégeait la retraite du galant. Je prends mon lorgnon, je le braque sur le maraud… des cheveux de jais !… Ah ! jamais face de chrétien ne m’a