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musique. À Paris, il existe des salons qui ressemblent exactement à des tabatières d’Allemagne, espèces de Componiums perpétuels où je vais régulièrement chercher des indigestions d’harmonie, que ma femme nomme des concerts. Mais aussi, la plupart du temps, s’enterre-t-elle dans ses partitions…

— Hé ! monsieur, ne connaissez-vous donc pas le danger qu’il y a de développer chez une femme le goût du chant, et de la laisser livrée à toutes les excitations d’une vie sédentaire ?… Il ne vous manquerait plus que de la nourrir de mouton, et de lui faire boire de l’eau…

— Ma femme ne mange jamais que des blancs de volaille, et j’ai soin de toujours faire succéder un bal à un concert, un rout à une représentation des Italiens ! Aussi ai-je réussi à la faire coucher pendant six mois de l’année entre une heure et deux du matin. Ah ! monsieur, les conséquences de ce coucher matinal sont incalculables ! D’abord, chacun de ces plaisirs nécessaires est accordé comme une faveur, et je suis censé faire constamment la volonté de ma femme : alors je lui persuade, sans dire un seul mot, qu’elle s’est constamment amusée depuis six heures du soir, époque de notre dîner et de sa toilette, jusqu’à onze heures du matin, heure à laquelle nous nous levons.

— Ah ! monsieur, quelle reconnaissance ne vous doit-elle pas pour une vie si bien remplie !…

— Je n’ai donc plus guère que trois heures dangereuses à passer ; mais n’a-t-elle pas des sonates à étudier, des airs à répéter ?… N’ai-je pas toujours des promenades au bois de Boulogne à proposer, des calèches à essayer, des visites à rendre, etc. ? Ce n’est pas tout. Le plus bel ornement d’une femme est une propreté recherchée, ses soins à cet égard ne peuvent jamais avoir d’excès ni de ridicule : or, la toilette m’a encore offert les moyens de lui faire consumer les plus beaux moments de sa journée.

— Vous êtes digne de m’entendre !.. m’écriai-je. Eh ! bien, monsieur, vous lui mangerez quatre heures par jour si vous voulez lui apprendre un art inconnu aux plus recherchées de nos petites-maîtresses modernes… Dénombrez à madame de V les étonnantes précautions créées par le luxe oriental des dames romaines, nommez-lui les esclaves employées seulement au bain chez l’impératrice Poppée : les Unctores, les Fricatores, les Alipilariti, les Dropacistae, les Paratiltriae, les Picatrices, les Tractatrices,