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au fait de la scène qui allait se passer chez elle. En y passant hier pour aller vaurienner, mes yeux furent attirés par une vive clarté qui partait des combles de la maison où demeure René, le parfumeur et le gantier de ma mère, le tien, celui de la cour. J’ai des doutes violents sur ce qui se fait chez cet homme, et si je suis empoisonné, là s’est préparé le poison.

— Dès demain je le quitte, dit Marie.

— Ah ! tu l’avais conservé quand je l’avais quitté, s’écria le roi. Ici était ma vie, reprit-il d’un air sombre, on y a sans doute mis la mort.

— Mais, cher enfant, je reviens de Dauphiné, avec notre dauphin, dit-elle en souriant, et René ne m’a rien fourni depuis la mort de la reine de Navarre… Continue, tu as grimpé sur la maison de René ?

— Oui, reprit le roi. En un moment, je suis arrivé, suivi de Tavannes, dans un endroit d’où j’ai pu voir, sans être vu, l’intérieur de la cuisine du diable et y remarquer des choses qui m’ont inspiré les mesures que j’ai prises. N’as-tu jamais examiné les combles qui terminent la maison de ce damné Florentin ? Les croisées du côté de la rue sont toujours fermées, excepté la dernière d’où l’on voit l’hôtel de Soissons et la colonne qu’a fait bâtir ma mère pour son astrologue Cosme Ruggieri. Dans ces combles, il se trouve un logement et une galerie qui ne sont éclairés que du côté de la cour, en sorte que, pour voir ce qui s’y fait, il faut aller là où nul homme ne peut avoir la pensée de grimper, sur le chaperon d’une haute muraille qui aboutit aux toits de la maison de René. Les gens qui ont établi là leurs fourneaux où ils distillent la mort, comptaient sur la couardise des Parisiens pour n’être jamais vus ; mais ils ont compté sans leur Charles de Valois. Moi, je me suis avancé dans le chéneau jusqu’à une croisée, contre le jambage de laquelle je me suis tenu droit, en passant mon bras autour du singe qui en fait l’ornement.

— Et qu’avez-vous vu, mon cœur ? dit Marie effrayée.

— Un réduit où se fabriquent des œuvres de ténèbres, répondit le roi. Le premier objet sur lequel était tombé mon regard était un grand vieillard assis dans une chaise, et doué d’une magnifique barbe blanche comme était celle du vieux Lhôpital, vêtu comme lui d’une robe de velours noir. Sur son large front, profondément sillonné par des rides creuses, sur sa couronne de cheveux blanchis,