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n’en domine pas moins le problème social dont nous nous occupons. En effet, un mariage cimenté sous les auspices du religieux examen que suppose l’amour, et sous l’empire du désenchantement dont est suivie la possession, doit être la plus indissoluble de toutes les unions.

Une femme n’a plus alors à reprocher à son mari le droit légal en vertu duquel elle lui appartient. Elle ne peut plus trouver dans cette soumission forcée une raison pour se livrer à un amant, quand plus tard elle a dans son propre cœur un complice dont les sophismes la séduisent en lui demandant vingt fois par heure pourquoi, s’étant donnée contre son gré à un homme qu’elle n’aimait point, elle ne se donnerait pas de bonne volonté à un homme qu’elle aime. Une femme n’est plus alors recevable à se plaindre de ces défauts inséparables de la nature humaine, elle en a, par avance, essayé la tyrannie, épousé les caprices.

Bien des jeunes filles seront trompées dans les espérances de leur amour !… Mais n’y aura-t-il pas pour elles un immense bénéfice à ne pas être les compagnes d’hommes qu’elles auraient le droit de mépriser ?

Quelques alarmistes vont s’écrier qu’un tel changement dans nos mœurs autoriserait une effroyable dissolution publique ; que les lois ou les usages, qui dominent les lois, ne peuvent pas, après tout, consacrer le scandale et l’immoralité ; et que s’il existe des maux inévitables, au moins la société ne doit pas les sanctifier.

Il est facile de répondre, avant tout, que le système proposé tend à prévenir ces maux, qu’on a regardés jusqu’à présent comme inévitables ; mais, si peu exacts que soient les calculs de notre statistique, ils ont toujours accusé une immense plaie sociale, et nos moralistes préféreraient donc le plus grand mal au moindre, la violation du principe sur lequel repose la société, à une douteuse licence chez les filles ; la dissolution des mères de famille qui corrompt les sources de l’éducation publique et fait le malheur d’au moins quatre personnes, à la dissolution d’une jeune fille qui ne compromet qu’elle, et tout au plus un enfant. Périsse la vertu de dix vierges, plutôt que cette sainteté de mœurs, cette couronne d’honneur de laquelle une mère de famille doit marcher revêtue ! Il y a dans le tableau que présente une jeune fille abandonnée par son séducteur je ne sais quoi d’imposant et de sacré : c’est des serments