Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/383

Cette page n’a pas encore été corrigée

res de crimes.

S’ils restent chastes, leur santé s’altérera au sein des irritations les plus douloureuses ; ils rendront vains les vues sublimes de la nature, et iront mourir de la poitrine en buvant du lait sur les montagnes de la Suisse.

S’ils succombent à leurs tentations légitimes, ou ils compromettront des femmes honnêtes, et alors nous rentrons dans le sujet de ce livre, ou ils se dégraderont par le commerce horrible des cinq cent mille femmes de qui nous avons parlé dans la dernière catégorie de la première Méditation, et dans ce dernier cas, que de chances pour aller boire encore du lait et mourir en Suisse !…

N’avez-vous donc jamais été frappés comme nous d’un vice d’organisation de notre ordre social, et dont la remarque va servir de preuve morale à nos derniers calculs ?

L’âge moyen auquel l’homme se marie est celui de trente ans ; l’âge moyen auquel ses passions, ses désirs les plus violents de jouissances génésiques se développent, est celui de vingt ans. Or, pendant les dix plus belles années de sa vie, pendant la verte saison où sa beauté, sa jeunesse et son esprit le rendent plus menaçant pour les maris qu’à toute autre époque de son existence, il reste sans trouver à satisfaire légalement cet irrésistible besoin d’aimer qui ébranle son être tout entier. Ce laps de temps représentant le sixième de la vie humaine, nous devons admettre que le sixième au moins de notre masse d’hommes, et le sixième le plus vigoureux, demeure perpétuellement dans une attitude aussi fatigante pour eux que dangereuse pour la Société.

— Que ne les marie-t-on ? va s’écrier une dévote.

Mais quel est le père de bon sens qui voudrait marier son fils à vingt ans ?

Ne connaît-on pas le danger de ces unions précoces ? Il semble que le mariage soit un état bien contraire aux habitudes naturelles, puisqu’il exige une maturité de raison particulière. Enfin, tout le monde sait que Rousseau a dit : « Il faut toujours un temps de libertinage, ou dans un état ou dans l’autre. C’est un mauvais levain qui fermente tôt ou tard. »

Or, quelle est la mère de famille qui exposerait le bonheur de sa fille aux hasards de cette fermentation quand elle n’a pas eu lieu ?

D’ailleurs, qu’est-il besoin de justifier un fait sous l’empire duquel existent toutes les sociétés ? N’y a-t-il pas en tous pays,