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s célibataires semblable à celui qu’ont inventé les présidents de cours royales pour faire passer leurs conseillers dans chaque chambre les uns après les autres au bout d’un certain nombre d’années ?…

Triste manière d’éclaircir la difficulté !

Veut-on même conjecturer que certaines femmes honnêtes agissent, dans le partage des célibataires, comme le lion de la fable ?… Quoi ! une moitié au moins de nos autels serait des sépulcres blanchis !…

Pour l’honneur des dames françaises, veut-on supposer qu’en temps de paix les autres pays nous importent une certaine quantité de leurs femmes honnêtes, principalement l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie ?… Mais les nations européennes prétendront établir une balance en objectant que la France exporte une certaine quantité de jolies femmes.

La morale, la religion souffrent tant à de pareils calculs, qu’un honnête homme, dans son désir d’innocenter les femmes mariées, trouverait quelque agrément à croire que les douairières et les jeunes personnes sont pour moitié dans cette corruption générale, ou mieux encore, que les célibataires mentent.

Mais que calculons-nous ? Songez à nos maris qui, à la honte des mœurs, se conduisent presque tous comme des célibataires, et font gloire, in petto, de leurs aventures secrètes.

Oh ! alors, nous croyons que tout homme marié, s’il tient un peu à sa femme à l’endroit de l’honneur, dirait le vieux Corneille, peut chercher une corde et un clou : fœnum habet in cornu.

C’est cependant au sein de ces quatre cent mille femmes honnêtes qu’il faut, lanterne en main, chercher le nombre des femmes vertueuses de France !… En effet, par notre statistique conjugale, nous n’avons retranché que des créatures de qui la société ne s’occupe réellement pas. N’est-il pas vrai qu’en France les honnêtes gens, les gens comme il faut, forment à peine le total de trois millions d’individus ; à savoir : notre million de célibataires, cinq cent mille femmes honnêtes, cinq cent mille maris, et un million de douairières, d’enfants et de jeunes filles.

Étonnez-vous donc maintenant du fameux vers de Boileau ! Ce vers annonce que le poète avait habilement approfondi les réflexions mathématiquement développées à vos yeux dans ces affligeantes Méditations, et qu’il n’est pas une hyperbole.

Cependant il existe des femmes vertueuses :