Un jeune homme, un vieillard peut-être, amoureux ou non, vient d’acquérir par un contrat bien et dûment enregistré à la Mairie, dans le Ciel et sur les contrôles du Domaine, une jeune fille à longs cheveux, aux yeux noirs et humides, aux petits pieds, aux doigts mignons et effilés, à la bouche vermeille, aux dents d’ivoire, bien faite, frémissante, appétissante et pimpante, blanche comme un lys, comblée des trésors les plus désirables de la beauté : ses cils baissés ressemblent aux dards de la couronne de fer, sa peau, tissu aussi frais que la corolle d’un camélia blanc, est nuancée de la pourpre des camélias rouges ; sur son teint virginal l’œil croit voir la fleur d’un jeune fruit et le duvet imperceptible d’une pêche diaprée ; l’azur des veines distille une riche chaleur à travers ce réseau clair ; elle demande et donne la vie ; elle est tout joie et tout amour, tout gentillesse et tout naïveté. Elle aime son époux, ou du moins elle croit l’aimer…
L’amoureux mari a dit dans le fond de son cœur : « Ces yeux ne verront que moi, cette bouche ne frémira d’amour que pour moi, cette douce main ne versera les chatouilleux trésors de la volupté que sur moi, ce sein ne palpitera qu’à ma voix, cette âme endormie ne s’éveillera qu’à ma volonté ; moi seul je plongerai mes doigts dans ces tresses brillantes ; seul je promènerai de rêveuses caresses sur cette tête frissonnante. Je ferai veiller la Mort à mon chevet pour défendre l’accès du lit nuptial à l’étranger ravisseur ; ce trône de l’amour nagera dans le sang des imprudents ou dans le mien. Repos, honneur, félicité, liens paternels, fortune de mes enfants, tout est là ; je veux tout défendre comme une lionne ses petits. Malheur à qui mettra le pied dans mon antre ! »
— Eh ! bien, courageux athlète, nous applaudissons à ton dessein. Jusqu’ici nul géomètre n’a osé tracer des lignes de longitude et de latitude sur la mer conjugale. Les vieux maris ont eu vergogne d’indiquer les bancs de sable, les rescifs, les écueils, les brisants, les moussons, les côtes et les courants qui ont détruit leurs barques, tant ils avaient honte de leurs naufrages. Il manquait un guide, une boussole aux pèlerins mariés… cet ouvrage est destiné à leur en servir.
Sans parler des épiciers et des drapiers, il existe tant de gens qui sont trop occupés pour perdre du temps à chercher les raisons secrètes qui font agir les femmes, que c’est une œuvre charitable de leur classer par titres et par chapitres toutes les situations