Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
ÉTUDES ANALYTIQUES.

donnant le premier coup de ciseau. Le bois est tranché. — « Ma tante a fait un geste !… dit le plus jeune des héritiers. — Non, c’est un effet des ondulations de la lumière !… » répondit le plus âgé qui avait à la fois l’œil sur le trésor et sur la morte. Les parents affligés trouvèrent, précisément à l’endroit où le tison avait roulé, une masse artistement enveloppée d’une couche de plâtre. — « Allez !… » dit le vieux cohéritier. Le ciseau de l’apprenti fit alors sauter une tête humaine, et je ne sais quel vestige d’habillement leur fit reconnaître le comte que toute la ville croyait mort à Java et dont la perte avait été vivement pleurée par sa femme.

Le narrateur de cette vieille histoire était un grand homme sec, à l’œil fauve, à cheveux bruns, et l’auteur crut apercevoir de vagues ressemblances entre lui et le démon qui, jadis, l’avait tant tourmenté ; mais l’étranger n’avait pas le pied fourchu. Tout à coup le mot ADULTÈRE sonna aux oreilles de l’auteur ; et alors, cette espèce de cloche réveilla, dans son imagination, les figures les plus lugubres du cortége qui naguère défilait à la suite de ces prestigieuses syllabes.

À compter de cette soirée, les persécutions fantasmagoriques d’un ouvrage qui n’existait pas recommencèrent ; et, à aucune époque de sa vie, l’auteur ne fut assailli d’autant d’idées fallacieuses sur le fatal sujet de ce livre. Mais il résista courageusement à l’esprit, bien que ce dernier rattachât les moindres événements de la vie à cette œuvre inconnue, et que, semblable à un commis de la douane, il plombât tout de son chiffre railleur.

Quelques jours après, l’auteur se trouva dans la compagnie de deux dames. La première avait été une des plus humaines et des plus spirituelles femmes de la cour de Napoléon. Arrivée jadis à une haute position sociale, la restauration l’y surprit, et l’en renversa ; elle s’était faite ermite. La seconde, jeune et belle, jouait en ce moment, à Paris, le rôle d’une femme à la mode. Elles étaient amies, parce que l’une ayant quarante ans et l’autre vingt-deux, leurs prétentions mettaient rarement en présence leur vanité sur le même terrain. L’auteur étant sans conséquence pour l’une des deux dames, et l’autre l’ayant deviné, elles continuèrent en sa présence une conversation assez franche qu’elles avaient commencée sur leur métier de femme.

— Avez-vous remarqué, ma chère, que les femmes n’aiment en général que des sots ? — Que dites-vous donc là, duchesse ? et