Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant leurs paroles. — Madame, vous avez des preuves ? demanda-t-il à haute voix.

— Elles sont sans réplique, monsieur, elles viennent de ma fille Marguerite. Effrayée elle-même des probabilités d’une semblable combinaison, et malgré sa tendresse pour votre frère d’Alençon, le trône des Valois lui a tenu plus au cœur cette fois-ci que tous ses amours. Elle demande pour prix de ses révélations qu’il ne soit rien fait à La Mole mais ce croquant me semble un dangereux coquin de qui nous devons nous débarrasser, ainsi que du comte de Coconnas, l’homme de votre frère d’Alençon. Quant au prince de Condé, cet enfant consent à tout, pourvu que l’on me jette à l’eau ; je ne sais si c’est le présent de noces qu’il me fait pour lui avoir donné sa jolie femme. Ceci est grave, monsieur. Vous parlez de prédictions !… j’en connais une qui donne le trône de Valois à la maison de Bourbon, et si nous n’y prenons garde, elle se réalisera. N’en voulez pas à votre sœur, elle, s’est bien conduite en ceci. Mon fils, dit-elle après une pause et en donnant à sa voix l’accent de la tendresse, beaucoup de méchantes gens à messieurs de Guise veulent semer la division entre vous et moi, quoique nous soyons les seuls dans ce royaume de qui les intérêts soient exactement les mêmes : pensez-y. Vous vous reprochez maintenant la Saint-Barthélemi, je le sais ; vous m’accusez de vous y avoir décidé. Le catholicisme, monsieur, doit être le lien de l’Espagne, de la France et de l’Italie, trois pays qui peuvent, par un plan secrètement et habilement suivi, se réunir sous la maison de Valois à l’aide du temps. Ne vous ôtez pas des chances en lâchant la corde, qui réunit ces trois royaumes dans le cercle d’une même foi. Pourquoi les Valois et les Médicis n’exécuteraient-ils pas pour leur gloire le plan de Charles-Quint à qui la tête a manqué ? Rejetons dans le Nouveau-Monde, où elle s’engage, cette race de Jeanne-la-Folle. Maîtres à Florence et à Rome, les Médicis subjugueront l’Italie pour vous ; ils vous en assureront tous les avantages par un traité de commerce et d’alliance en se reconnaissant vos feudataires pour le Piémont, le Milanais et Naples, où vous avez des droits. Voilà, Monsieur, les raisons de la guerre à mort que nous faisons aux Huguenots. Pourquoi nous forcez-vous à vous répéter ces choses ? Charlemagne se trompait en s’avançant vers le nord. Oui, la France est un corps dont le cœur se trouve au golfe de Lyon, et dont les deux bras sont l’Espagne et l’Italie. On domine