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vous souhaitez les uns les autres. Adieu, surtout à Toi, qui ne sais où reposer ta tête, proscrit sublime. Adieu, chères innocentes traînées par les cheveux pour avoir trop aimé ! Adieu, mères assises auprès de vos fils mourants ! Adieu, saintes femmes blessées ! Adieu Pauvres ! adieu Petits, Faibles et Souffrants, vous de qui j’ai si souvent épousé les douleurs. Adieu, vous tous qui gravitez dans la sphère de l’Instinct en y souffrant pour autrui.

» Adieu, navigateurs qui cherchez l’Orient à travers les ténèbres épaisses de vos abstractions vastes comme des principes. Adieu, martyrs de la pensée menés par elle à la vraie lumière ! Adieu, sphères studieuses où j’entends la plainte du génie insulté, le soupir du savant éclairé trop tard.

» Voici le concert angélique, la brise de parfums, l’encens du cœur exhalé par ceux qui vont priant, consolant, répandant la lumière divine et le baume céleste dans les âmes tristes. Courage, chœur d’amour ! Vous à qui les peuples crient : — « Consolez-nous, défendez-nous ? » courage et adieu !

— Adieu, granit, tu deviendras fleur ; adieu, fleur, tu deviendras colombe ; adieu, colombe, tu seras femme ; adieu, femme, tu seras souffrance ; adieu, homme, tu seras croyance ; adieu, vous qui serez tout amour et prière ! »

Abattu par la fatigue, cet être inexpliqué s’appuya pour la première fois sur Wilfrid et sur Minna pour revenir à son logis. Wilfrid et Minna se sentirent alors atteints par une contagion inconnue. À peine avaient-ils fait quelques pas, David se montra pleurant : — Elle va mourir, pourquoi l’avez-vous emmenée jusqu’ici ? s’écria-t-il de loin. Séraphîta fut emportée par le vieillard, qui retrouva les forces de la jeunesse et vola jusqu’à la porte du château suédois, comme un aigle emportant quelque blanche brebis dans son aire.

VI.

LE CHEMIN POUR ALLER AU CIEL.

Le lendemain du jour où Séraphîta pressentit sa fin et fit ses adieux à la Terre comme un prisonnier regarde son cachot avant de le quitter à jamais, elle ressentit des douleurs qui l’obligèrent à demeurer dans la complète immobilité de ceux qui souffrent des maux extrêmes. Wilfrid et Minna vinrent la voir, et la trouvèrent cou-