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posent sur l’analyse des Formes matérielles dont l’Esprit est sans cesse négligé par vous. Il est une science élevée que certains hommes entrevoient trop tard, sans oser l’avouer. Ces hommes ont compris la nécessité de considérer les corps, non-seulement dans leurs propriétés mathématiques, mais encore dans leur ensemble, dans leurs affinités occultes. Le plus grand d’entre vous a deviné, sur la fin de ses jours, que tout était cause et effet réciproquement ; que les mondes visibles étaient coordonnés entre eux et soumis à des mondes invisibles. Il a gémi d’avoir essayé d’établir des préceptes absolus ! En comptant ses mondes, comme des grains de raisin semés dans l’éther, il en avait expliqué la cohérence par les lois de l’attraction planétaire et moléculaire ; vous avez salué cet homme ! Eh ! bien, je vous le dis, il est mort au désespoir. En supposant égales les forces centrifuge et centripète qu’il avait inventées pour se rendre raison de l’univers, l’univers s’arrêtait, et il admettait le mouvement dans un sens indéterminé néanmoins ; mais en supposant ces forces inégales, la confusion des mondes s’ensuivait aussitôt. Ses lois n’étaient donc point absolues, il existait un problème encore plus élevé. La liaison des astres entre eux et l’action centripète de leur mouvement interne ne l’a donc pas empêché de chercher le cep d’où pendait sa grappe ? Le malheureux ! plus il agrandissait l’espace, plus lourd devenait son fardeau. Il vous a dit comment il y avait équilibre entre les parties ; mais où allait le tout ? Il contemplait l’étendue, infinie aux yeux de l’homme, remplie par ces groupes de mondes dont une portion minime est accusée par notre télescope, mais dont l’immensité se révèle par la rapidité de la lumière. Cette contemplation sublime lui a donné la perception des mondes infinis qui, plantés dans cet espace comme des fleurs dans une prairie, naissent comme des enfants, croissent comme des hommes, meurent comme des vieillards, vivent en s’assimilant dans leur atmosphère les substances propres à les alimenter, qui ont un centre et un principe de vie, qui se garantissent les uns des autres par une aire ; qui, semblables aux plantes, absorbent et sont absorbés, qui composent un ensemble doué de vie, ayant sa destinée. À cet aspect, cet homme a tremblé ! Il savait que la vie est produite par l’union de la chose avec son principe, que la mort ou l’inertie, qu’enfin la pesanteur est produite par une rupture entre un objet et le mouvement qui lui est propre ; alors il a pressenti le craquement de