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interdire la satisfaction. D’ailleurs, à quoi bon ces maigres objections quand le Bien et le Mal sont également annulés ? Le Mal existe-t-il ? Si la substance dans toutes ses formes est Dieu, le Mal est Dieu. La faculté de raisonner aussi bien que la faculté de sentir étant donnée à l’homme pour en user, rien n’est plus pardonnable que de chercher un sens aux douleurs humaines, et d’interroger l’avenir ; si ces raisonnements droits et rigoureux amènent à conclure ainsi, quelle confusion ! Ce monde n’aurait donc nulle fixité : rien n’avance et rien ne s’arrête, tout change et rien ne se détruit, tout revient après s’être réparé, car si votre esprit ne vous démontre pas rigoureusement une fin, il est également impossible de démontrer l’anéantissement de la moindre parcelle de Matière : elle peut se transformer, mais non s’anéantir. Si la force aveugle donne gain de cause à l’athée, la force intelligente est inexplicable, car émanée de Dieu, doit-elle rencontrer des obstacles, son triomphe ne doit-il pas être immédiat ? Où est Dieu ? Si les vivants ne l’aperçoivent pas, les morts le trouveront-ils ? Écroulez-vous, idolâtries et religions ! Tombez, trop faibles clefs de toutes les voûtes sociales qui n’avez retardé ni la chute, ni la mort, ni l’oubli de toutes les nations passées, quelque fortement qu’elles se fussent fondées ! Tombez, morales et justices ! nos crimes sont purement relatifs, c’est des effets divins dont les causes ne nous sont pas connues ! Tout est Dieu. Ou nous sommes Dieu, ou Dieu n’est pas ! Enfant d’un siècle dont chaque année a mis sur ton front la glace de ses incrédulités, vieillard ! voici le résumé de tes sciences et de tes longues réflexions. Cher monsieur Becker, vous avez posé la tête sur l’oreiller du Doute en y trouvant la plus commode de toutes les solutions, agissant ainsi comme la majorité du genre humain, qui se dit : — Ne pensons plus à ce problème, du moment où Dieu ne nous a pas fait la grâce de nous octroyer une démonstration algébrique pour le résoudre, tandis qu’il nous en a tant accordé pour aller sûrement de la terre aux astres. Ne sont-ce pas vos pensées intimes ? Les ai-je éludées ? Ne les ai-je pas, au contraire, nettement accusées ? Soit le dogme des deux principes, antagonisme où Dieu périt par cela même que tout-puissant il s’amuse à combattre ; soit l’absurde panthéisme où tout étant Dieu, Dieu n’est plus ; ces deux sources d’où découlent les religions au triomphe desquelles s’est employée la Terre, sont également pernicieuses. Voici jetée entre nous la hache à double