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s’exaltant vers le ciel par la prière. Leur espérance était de voir Swedenborg, et la foi réalisa leur espérance. Le jour de la naissance de Séraphîta, Swedenborg se manifesta dans Jarvis, et remplit de lumière la chambre où naissait l’enfant. Ses paroles furent, dit-on : — L’œuvre est accomplie, les cieux se réjouissent ! Les gens de la maison entendirent les sons étranges d’une mélodie qui, disaient-ils, semblait être apportée des quatre points cardinaux par le souffle des vents. L’esprit de Swedenborg emmena le père hors de la maison et le conduisit sur le Fiord, où il le quitta. Quelques hommes de Jarvis s’étant alors approchés de monsieur Séraphîtüs, l’entendirent prononçant ces suaves paroles de l’Écriture : — Combien sont beaux sur les montagnes les pieds de l’Ange que nous envoie le Seigneur ! Je sortais du presbytère pour aller au château, y baptiser l’enfant, le nommer et accomplir les devoirs que m’imposent les lois lorsque je rencontrai le baron. — « Votre ministère est superflu, me dit-il ; notre enfant doit être sans nom sur cette terre. Vous ne baptiserez pas avec l’eau de l’Église terrestre celui qui vient d’être ondoyé dans le feu du Ciel. Cet enfant restera fleur, vous ne le verrez pas vieillir, vous le verrez passer ; vous avez l’exister, il a la vie ; vous avez des sens extérieurs, il n’en a pas, il est tout intérieur. » Ces paroles furent prononcées d’une voix surnaturelle par laquelle je fus affecté plus vivement encore que par l’éclat empreint sur son visage qui suait la lumière. Son aspect réalisait les fantastiques images que nous concevons des inspirés en lisant les prophéties de la Bible. Mais de tels effets ne sont pas rares au milieu de nos montagnes, où le nitre des neiges subsistantes produit dans notre organisation d’étonnants phénomènes. Je lui demandai la cause de son émotion. — Swedenborg est venu, je le quitte, j’ai respiré l’air du ciel, me dit-il. — Sous quelle forme vous est-il apparu ? repris-je. — Sous son apparence mortelle, vêtu comme il l’était la dernière fois que je le vis à Londres, chez Richard Shearsmith, dans le quartier de Cold-Bath-Field, en juillet 1771. Il portait son habit de ratine à reflets changeants, à boutons d’acier, son gilet fermé, sa cravate blanche, et la même perruque magistrale, à rouleaux poudrés sur les côtés, et dont les cheveux relevés par-devant lui découvraient ce front vaste et lumineux en harmonie avec sa grande figure carrée, où tout est puissance et calme. J’ai reconnu ce nez à larges narines pleines de feu ; j’ai revu cette