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masse, qu’en Angleterre où sept mille Swedenborgistes se trouvent dans la seule ville de Manchester. Des hommes aussi distingués par leurs connaissances que par leur rang dans le monde, soit en Allemagne, soit en Prusse et dans le Nord, ont publiquement adopté les croyances de Swedenborg, plus consolantes d’ailleurs que ne le sont celles des autres communions chrétiennes. Maintenant, je voudrais bien pouvoir vous expliquer en quelques paroles succinctes les points capitaux de la doctrine que Swedenborg a établie pour son Église ; mais cet abrégé, fait de mémoire, serait nécessairement fautif. Je ne puis donc me permettre de vous parler que des Arcanes qui concernent la naissance de Séraphîta.

Ici, monsieur Becker fit une pause pendant laquelle il parut se recueillir pour rassembler ses idées, et reprit ainsi :

— Après avoir mathématiquement établi que l’homme vit éternellement en des sphères, soit inférieures, soit supérieures, Swedenborg appelle Esprits Angéliques les êtres qui, dans ce monde, sont préparés pour le ciel, où ils deviennent Anges. Selon lui, Dieu n’a pas créé d’Anges spécialement, il n’en existe point qui n’ait été homme sur la terre. La terre est ainsi la pépinière du ciel. Les Anges ne sont donc pas Anges pour eux-mêmes (Sag. ang. 57) ; ils se transforment par une conjonction intime avec Dieu, à laquelle Dieu ne se refuse jamais ; l’essence de Dieu n’étant jamais négative, mais incessamment active. Les Esprits Angéliques passent par trois natures d’amour, car l’homme ne peut être régénéré que successivement (Vraie Religion). D’abord l’amour de soi : la suprême expression de cet amour est le génie humain, dont les œuvres obtiennent un culte. Puis l’amour du monde, qui produit les prophètes, les grands hommes que la Terre prend pour guides et salue du nom de divins. Enfin l’amour du ciel, qui fait les Esprits Angéliques. Ces Esprits sont, pour ainsi dire, les fleurs de l’humanité qui s’y résume et travaille à s’y résumer. Ils doivent avoir ou l’Amour du ciel ou la Sagesse du ciel ; mais ils sont toujours dans l’Amour avant d’être dans la Sagesse. Ainsi la première transformation de l’homme est l’amour. Pour arriver à ce premier degré, ses existers antérieurs ont dû passer par l’Espérance et la Charité qui l’engendrent pour la Foi et la Prière. Les idées acquises par l’exercice de ces vertus se transmettent à chaque nouvelle enveloppe humaine sous laquelle se cachent les métamorphoses de l’Être Intérieur ; car rien ne se sépare, tout est nécessaire :