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ser ces prodigieux traités, à l’âge où les forces de l’homme commencent à s’éteindre. Dans ces écrits, il se trouve des milliers de propositions numérotées, dont aucune ne se contredit. Partout l’exactitude, la méthode, la présence d’esprit, éclatent et découlent d’un même fait, l’existence des Anges. Sa Vraie Religion, où se résume tout son dogme, œuvre vigoureuse de lumière, a été conçue, exécutée à quatre-vingt-trois ans. Enfin, son ubiquité, son omniscience n’est démentie par aucun de ses critiques, ni par ses ennemis. Néanmoins, quand je me suis abreuvé à ce torrent de lueurs célestes, Dieu ne m’a pas ouvert les yeux intérieurs, et j’ai jugé ces écrits avec la raison d’un homme non régénéré. J’ai donc souvent trouvé que l’inspiré Swedenborg avait dû parfois mal entendre les Anges. J’ai ri de plusieurs visions auxquelles j’aurais dû, suivant les Voyants, croire avec admiration. Je n’ai conçu ni l’écriture corniculaire des anges, ni leurs ceintures dont l’or est plus ou moins faible. Si, par exemple, cette phrase : Il est des anges solitaires, m’a singulièrement attendri d’abord ; par réflexion, je n’ai pas accordé cette solitude avec leurs mariages. Je n’ai pas compris pourquoi la vierge Marie conserve, dans le ciel, des habillements de satin blanc. J’ai osé me demander pourquoi les gigantesques démons Énakim et Héphilim venaient toujours combattre les chérubins dans les champs apocalyptiques d’Armageddon. J’ignore comment les Satans peuvent encore discuter avec les Anges. M. le baron Séraphîtüs m’objectait que ces détails concernaient les Anges qui demeuraient sur la terre sous forme humaine. Souvent les visions du prophète suédois sont barbouillées de figures grotesques. Un de ses Mémorables, nom qu’il leur a donné, commence par ces paroles : « — Je vis des esprits rassemblés, ils avaient des chapeaux sur leurs têtes. » Dans un autre Mémorable, il reçoit du ciel un petit papier sur lequel il vit, dit-il, les lettres dont se servaient les peuples primitifs, et qui étaient composées de lignes courbes avec de petits anneaux qui se portaient en haut. Pour mieux attester sa communication avec les cieux, j’aurais voulu qu’il déposât ce papier à l’Académie royale des sciences de Suède. Enfin, peut-être ai-je tort, peut-être les absurdités matérielles semées dans ses ouvrages ont-elles des significations spirituelles. Autrement, comment admettre la croissante influence de sa religion ? Son Église compte aujourd’hui plus de sept cent mille fidèles, tant aux États-Unis d’Amérique où différentes sectes s’y agrègent en