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nières souffrances et ses derniers plaisirs, tout démontre à des esprits impartiaux qu’il mourut d’une maladie de poitrine, affection alors peu connue, mal observée, et dont les symptômes purent porter Charles IX lui-même à se croire empoisonné. Mais le véritable poison que lui donna sa mère se trouvait dans les funestes conseils des courtisans placés autour de lui pour lui faire gaspiller ses forces intellectuelles aussi bien que ses forces physiques, et qui causèrent ainsi sa maladie purement occasionnelle et non constitutive. Charles IX se distinguait alors, plus qu’en aucune époque de sa vie, par une majesté sombre qui ne messied pas aux rois. La grandeur de ses pensées secrètes se reflétait sur son visage remarquable par le teint italien qu’il tenait de sa mère. Cette pâleur d’ivoire, si belle aux lumières, si favorable aux expressions de la mélancolie, faisait rigoureusement ressortir le feu de ses yeux d’un bleu noir qui, pressés entre des paupières grasses, acquéraient ainsi la finesse acérée que l’imagination exige du regard des rois, et dont la couleur favorisait la dissimulation. Les yeux de Charles IX étaient surtout terribles par la disposition de ses sourcils élevés, en harmonie avec un front découvert et qu’il pouvait hausser et baisser à son gré. Il avait un nez large et long, gros du bout, un véritable nez de lion ; de grandes oreilles, des cheveux d’un blond ardent, une bouche quasi-saignante comme celle des poitrinaires, dont la lèvre supérieure était mince, ironique, et l’inférieure assez forte pour faire supposer les plus belles qualités du cœur. Les rides imprimées sur ce front dont la jeunesse avait été détruite par d’effroyables soucis, inspiraient un violent intérêt ; les remords causés par l’inutilité de la Saint-Barthélemi mesure qui lui fut astucieusement arrachée, en avaient causé plus d’une ; mais il y en avait deux autres dans son visage qui eussent été bien éloquentes pour un savant à qui un génie spécial aurait permis de deviner les éléments de la physiologie moderne. Ces deux rides produisaient un vigoureux sillon allant de chaque pommette à chaque coin de la bouche et accusaient les inforts intérieurs d’une organisation fatiguée de fournir aux travaux de la pensée et aux violents plaisirs du corps. Charles IX était épuisé. La reine-mère, en voyant son ouvrage, devait avoir des remords, si toutefois la politique ne les étouffe pas tous chez les gens assis sous la pourpre. Si Catherine avait su l’effet de ses intrigues sur son fils, peut-être aurait-elle reculé ? Quel affreux spectacle ! Ce roi né si vigoureux était devenu