Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout ce monde, l’étreindre pour le refaire ; mais ceux qui l’ont ainsi étreint et refondu n’ont-ils pas commencé par être un rouage de la machine ? moi, je serais broyé. À Mahomet le sabre, à Jésus la croix, à moi la mort obscure ; demain à Blois, et quelques jours après dans un cercueil. Savez-vous pourquoi ? Je suis revenu à Swedenborg, après avoir fait d’immenses études sur les religions et m’être démontré, par la lecture de tous les ouvrages que la patiente Allemagne, l’Angleterre et la France ont publiés depuis soixante ans, la profonde vérité des aperçus de ma jeunesse sur la Bible. Évidemment, Swedenborg résume toutes les religions, ou plutôt la seule religion de l’Humanité. Si les cultes ont eu des formes infinies, ni leur sens ni leur construction métaphysique n’ont jamais varié. Enfin l’homme n’a jamais eu qu’une religion. Le Sivaïsme, le Vichnouvisme et le Brahmaïsme, les trois premiers cultes humains, nés au Thibet, dans la vallée de l’Indus et sur les vastes plaines du Gange, ont fini, quelques mille ans avant Jésus-Christ, leurs guerres, par l’adoption de la Trimourti hindoue. De ce dogme sortent, en Perse, le Magisme ; en Égypte, les religions africaines et le Mosaïsme ; puis le Cabirisme et le Polythéisme gréco-romain. Pendant que ces irradiations de la Trimourti adaptent les mythes de l’Asie aux imaginations de chaque pays où elles arrivent conduites par des sages que les hommes transforment en demi-dieux, Mithra, Bacchus, Hermès, Hercule, etc., Bouddha, le célèbre réformateur des trois religions primitives s’élève dans l’Inde et y fonde son Église, qui compte encore aujourd’hui deux cent millions de fidèles de plus que le Christianisme, et où sont venues se tremper les vastes volontés de Christ et de Confucius. Le Christianisme lève sa bannière. Plus tard, Mahomet fond le Mosaïsme et le Christianisme, la Bible et l’Évangile en un livre, le Coran, où il les approprie au génie des Arabes. Enfin Swedenborg reprend au Magisme, au Brahmaïsme, au Bouddhisme et au Mysticisme chrétien ce que ces quatre grandes religions ont de commun, de réel, de divin, et rend à leur doctrine une raison pour ainsi dire mathématique. Pour qui se jette dans ces fleuves religieux dont tous les fondateurs ne sont pas connus, Zoroastre, Moïse, Bouddha, Confucius, Jésus-Christ, Swedenborg ont les mêmes principes, et se proposent la même fin. Mais, le dernier de tous, Swedenborg sera peut-être le Bouddha du Nord. Quelque obscurs et diffus que soient ses livres, il s’y