Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions. Ces trois Écritures sont les archives du monde englouti. Là est le secret des grandeurs inouïes de ces langages et de leurs mythes. Une grande histoire humaine gît sous ces noms d’hommes et de lieux, sous ces fictions qui nous attachent irrésistiblement, sans que nous sachions pourquoi. Peut-être y respirons-nous l’air natal de notre nouvelle humanité.

Pour lui cette triple littérature impliquait donc toutes les pensées de l’homme. Il ne se faisait pas un livre, selon lui, dont le sujet ne s’y pût trouver en germe. Cette opinion montre combien ses premières études sur la Bible furent savamment creusées, et jusqu’où elles le menèrent. Planant toujours au-dessus de la société, qu’il ne connaissait que par les livres, il la jugeait froidement. — « Les lois, disait-il, n’y arrêtent jamais les entreprises des grands ou des riches, et frappent les petits, qui ont au contraire besoin de protection. » Sa bonté ne lui permettait donc pas de sympathiser avec les idées politiques ; mais son système conduisait à l’obéissance passive dont l’exemple fut donné par Jésus-Christ. Pendant les derniers moments de mon séjour à Vendôme, Louis ne sentait plus l’aiguillon de la gloire, il avait, en quelque sorte, abstractivement joui de la renommée ; et après l’avoir ouverte, comme les anciens sacrificateurs qui cherchaient l’avenir au cœur des hommes, il n’avait rien trouvé dans les entrailles de cette Chimère. Méprisant donc un sentiment tout personnel : — La gloire, me disait-il, est l’égoïsme divinisé.

Ici peut-être, avant de quitter cette enfance exceptionnelle, dois-je la juger par un rapide coup d’œil.

Quelque temps avant notre séparation, Lambert me disait : — « À part les lois générales dont la formule sera peut-être ma gloire, et qui doivent être celles de notre organisme, la vie de l’homme est un mouvement qui se résout plus particulièrement, en chaque être, au gré de je ne sais quelle influence, par le Cerveau, par le Cœur, ou par le Nerf. Des trois constitutions représentées par ces mots vulgaires, dérivent les modes infinis de l’Humanité, qui tous résultent des proportions dans lesquelles ces trois principes générateurs se trouvent plus ou moins bien combinés avec les substances qu’ils s’assimilent dans les milieux où ils vivent. » Il s’arrêta, se frappa le front, et me dit : — Singulier fait ! chez tous les grands hommes dont les portraits ont frappé mon attention, le col est court. Peut-être la Nature veut-elle que chez eux le cœur soit plus